Il est indéniable que, dans les pays arabes aujourd’hui, le rapport à la tragédie juive, la Shoah, n’est pas serein. Il ne l’est pas parce qu’il est grandement déterminé par le drame palestinien, la Nakba. Mais faut-il que la tragédie des uns occulte celle des autres et vice-versa ? Zamane ouvre ici un dossier particulièrement complexe et sensible où sont examinés la réception de la Shoah par les Arabes et leur rapport au nazisme et à l’antisémitisme, avec en arrière fond indissociable la question de la Palestine. Mais, si la Nakba y est évoquée, le présent dossier n’a pas pour objectif de la traiter en profondeur, car elle mériterait un développement à elle seule. Notre intention est de rendre le lecteur sensible à cette complexité, en rompant avec les idées reçues et caricaturales de tous bords, en nous écartant des réflexes passionnels. Donner à comprendre sera le maître mot de cette tentative.
Le 7 mars 2011, lors d’une intervention devant un parterre de militants du parti de l’Istiqlal, Abdelhamid Chabat, maire de Fès, s’est livré à une prétendue analyse du Mouvement du 20 février. Tout à ses élucubrations, il n’a pas craint de soutenir que les révolutions arabes actuelles figuraient à l’agenda des Protocoles des Sages de Sion, ce brûlot antisémite de sinistre mémoire, où les Juifs sont censés ourdir un vaste complot pour dominer le monde. Le digne maire de «la capitale intellectuelle et spirituelle» du Maroc se proposait même d’en lire des extraits à son auditoire et invitait les chercheurs à revenir à ce texte.
L’increvable théorie du complot juif
Le conseil n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd : le 16 juillet dernier, le Professeur Mohammed Galaa Idris, directeur du département d’études hébraïques de l’Université de Tanta en Egypte, reprenait le même refrain sur la chaîne de télévision Al Rahma. Et d’enfoncer le clou : « Il est prouvé que la plupart des révolutions, à commencer par la Révolution française, qui ont conduit à la chute de nombreux régimes dans le monde, les Juifs étaient derrière ». A quelques jours d’intervalle, George Saliba, évêque de l’Eglise orthodoxe syrienne au Liban, entonnait à son tour la rengaine sur Al Dunya TV : « Toute personne intelligente qui lit Les Protocoles des Sages de Sion reconnaîtra l’étendue de leur influence sur la politique de notre région et du monde ».
Dossier réalisé par Ruth Grosrichard
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