L’UNFP (Union nationale des forces populaires) fête, en ce mois de novembre 2019, ses 60 ans d’existence. C’est une étape importante, historique. L’UNFP, c’est le parti fondé par Mehdi Ben Barka, Mahjoub Benseddik, Abdellah Ibrahim et quelques autres, alors en délicatesse avec l’Istiqlal. En ce temps, ce parti a représenté un très grand espoir. Parti à la fois intellectuel et ouvrier, réputé proche du peuple (loin de l’image « petite bourgeoisie urbaine » de l’Istiqlal), l’UNFP représente la première ébauche d’un parti marocain de gauche (si l’on excepte bien sûr l’expérience du PCM, l’ancien parti communiste marocain). Il représente aussi le premier « coup d’Etat » mené par des « jeunes » à l’intérieur d’un parti politique marocain.
60 ans plus tard, que reste-t-il de cet espoir qui a fait rêver les premières générations de l’après-indépendance marocaine ? Pas grand chose…
En 1975, déjà, dans la foulée de l’assassinat de Omar Benjelloun, l’une de ses principales figures du parti avec Mehdi Ben Barka, l’UNFP était réduite à l’état d’une peau morte. Abdellah Ibrahim a hérité de cette coquille vide, alors que les autres, emmenés par Abderrahim Bouabid et tellement d’autres (les Fqih Basri, Abderrahmane Youssoufi, Mohamed Elyazghi…), s’en sont allés créer l’USFP (Union socialiste des forces populaires). Le nouveau grand parti de gauche socialiste abandonnait au passage l’option révolutionnaire. Cela a signifié la fin de l’ère des armes et des coups d’Etat au Maroc et le début d’une forme de « démocratie » que l’on appellera plus tard « hassanienne », un jeu politique complexe qui a fait grandir l’USFP dans l’opposition, malgré la terrible répression qui s’est longtemps abattu sur le parti…
Aujourd’hui donc, 60 ans plus tard, l’USFP se réconcilie avec son histoire, qui est celle de l’UNFP. C’est une première ou presque, et il était temps diront les nostalgiques. Mais tout le monde ne partage pas la même opinion. Les sceptiques voient en cette « réconciliation » que l’on n’attendait plus, une tentative désespérée de retrouver un élan de popularité pour un parti qui n’a plus de « populaire » que le nom. Car jamais de toute son histoire l’USFP n’a été aussi peu représentée politiquement et peu influente auprès de la jeunesse marocaine. Les sceptiques avancent aussi que l’héritage de l’UNFP n’appartient pas seulement à l’USFP mais à toute la gauche marocaine actuelle…ou à ce qu’il en reste évidemment.
Toujours est-il qu’un anniversaire ça se fête. Malgré un contexte qui a beaucoup changé entretemps avec la montrée de l’islamisme, l’affaissement du socialisme, le départ des grands leaders d’hier (les Bouabid, Youssoufi, etc.), le flou qui entoure désormais le clivage droite – gauche, l’apparition de forces nouvelles (exemple des réseaux sociaux) qui sont en train de supplanter les forces classiques (partis et syndicats) dans tout ce qui est revendication sociale ou politique…
Malgré tout cela, donc, il reste encore de l’espoir. En espérant, au final, que ce 60ème anniversaire apporte une nouvelle jeunesse et de nouvelles forces à un parti dont le Maroc a plus que jamais besoin.