Le 7 juin 1965, Hassan II proclame l’état d’exception. Cette décision royale, qui signe un tournant politique historique, fait basculer le Maroc dans un régime autoritaire absolu. Ironie du sort, c’est au sein des institutions démocratiques que cet état d’exception a trouvé sa légitimité
Le pays est en crise, en ce début de 1965. Malgré l’existence d’un Parlement élu depuis deux ans, signe d’un dynamisme sain et prometteur, les luttes politiques intestines font rage. Non seulement l’opposition est divisée entre «Istiqlaliens» et «Unfpistes», mais la majorité souffre de clivages encore plus profonds entre le parti d’Aherdane-Al-Khatib et le FDIC (Front pour la défense des institutions constitutionnelles) de Guédira-Bahnini. Ahmed Réda Guédira, considéré comme le cerveau de ce début de règne de Hassan II, ne semble plus sur la même longueur d’ondes que le souverain. Celui-ci tente de persuader l’UNFP et l’Istiqlal de se mettre, sans conditions préalables, à sa disposition en vue de trouver une issue à la crise politique qui étouffe le régime et les deux partis d’opposition. Guédira lui, ne jure que par la Constitution. Il fait savoir au roi que le respect de la loi fondamentale est vital pour sortir le pays de la crise, mais également pour la survie du régime.
Le fondateur du FDIC explique qu’il n’a besoin que du feu vert du roi pour former un nouveau gouvernement ; celui de Bahnini est littéralement dépassé par les événements. Guédira entend procéder à des réformes économiques et sociales afin de couper l’herbe sous les pieds des partis du mouvement national. Il souhaite, par le même biais, épargner au pays une douloureuse épreuve de force qui s’annonce inévitable si la Constitution est mise de côté. Lui, «le chef» de la majorité n’hésite plus à critiquer la politique gouvernementale. Ainsi, il déclare lors d’un meeting organisé par le FDIC dans la ville de Safi qu’il est décidé, s’il est nommé à la tête du gouvernement, à mettre en place «un système économique nouveau en procédant à une réforme agraire et industrielle qui profiterait à tous les citoyens».
Par Maâti Monjib
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