C’est à la mort de Abderrahmane Youssoufi, le 29 mai, que son nom est abondamment cité dans la presse. Le pays entier se prend alors d’affection pour Hélène Youssoufi, sans doute la personne la plus meurtrie par la disparition de l’homme d’Etat. À l’image de son époux, elle incarne discrétion et sagesse…
Le cliché est bouleversant. Il est d’ailleurs le plus poignant de l’actualité de la disparition de Abderrahmane Youssoufi, mort le 31 mai dernier à l’âge de 96 ans. On y voit Hélène Youssoufi, tout juste veuve, effondrée et soutenue par la nièce de son époux, Mouna Youssoufi. Après plusieurs jours éprouvants, la discrète Hélène adresse un ultime adieu à son compagnon de vie au seuil du cimetière Chouhada de Casablanca où il est enterré. À l’image de feu son époux, Hélène préfère l’ombre à la lumière. Pourtant, c’est à elle que ce sont adressées les condoléances des plus grands. Dans un émouvant message rendu public, le roi Mohammed VI a tenu à soutenir la veuve : «Votre chagrin en ces moments pénibles, nous vous assurons de notre constante et bienveillante sollicitude et implorons le Très-Haut de vous inspirer réconfort et consolation». Un message auquel madame Youssoufi répond à son tour, en présentant ses condoléances au roi où elle précise que le défunt «vouait à la personne du souverain une profonde affection paternelle, qu’il n’a eu de cesse de clamer et de démontrer, bien au-delà du cadre de l’exercice de ses fonctions officielles». L’histoire du couple Youssoufi remonte à 1965, juste avant l’exil français du militant de l’UNFP. L’ancien Premier ministre rencontre Marie-Hélène à Casablanca. À cette époque, le père d’Hélène est un couturier grec que fréquente le père de Youssoufi. Lorsque Brahim Ouchelh, compagnon de longue date des Youssoufi, évoque le couple, il nous confie leur avoir déjà demandé de raconter leur rencontre : «Alors que Hélène date leur rencontre au moment de leur mariage, Si Abderrahmane lui lance un regard malicieux et dit : Oh, je crois que l’on s’est connus bien avant…». Comprenez que leur relation a débuté avant l’officialisation, dans un cadre un peu moins formel qui, à l’époque, devait demeurer encore plus discret. Hélène Youssoufi accompagne son mari en exil peu de temps après. Elle confirme alors sceller son sort à celui de son époux, malgré les difficultés et les épreuves. De retour au Maroc au début des années 1980, le couple s’installe à Casablanca, où Hélène gère toutes les affaires domestiques, en passant par l’achat d’un appartement. Au temps de la primature entre 1998 et 2002, Hélène garde les pieds sur terre et partage entièrement «le côté proche du peuple» et loin des paillettes de son époux. Aïcha Belarbi, habituée des rencontres avec le couple, décrit «un couple complice où règne une bienveillance mutuelle très attachante». Lorsque Belarbi est allé présenter ses condoléances à Hélène Youssoufi, il y a quelques jours, la veuve répond dans un sourire ému : «Malgré tout, nous étions très heureux».