Au-delà des aspects historiques et géopolitiques, ces villes où Espagnols et Marocains partagent désormais un destin commun sont en proie à de nombreux défis. Que seuls Rabat et Madrid, ensemble, pourront relever.
Il y a les grands discours. Sebta et Melilla : une injustice et une absurdité. Le symbole de la décolonisation inachevée du Maroc ; l’ultime plaie qu’on attend toujours de cicatriser pour aller de l’avant. Symbole aussi de la rupture méditerranéenne, d’une frontière toujours plus militarisée et sophistiquée entre le Nord et le Sud, le riche et le pauvre, le colonisateur et le colonisé. Tout ceci est tristement vrai. Mais l’essentiel est peut-être ailleurs. Certes, le Maroc n’a cessé de revendiquer sa souveraineté sur Sebta et Melilla ; mais ne s’agit-il pas de revendications (somme toutes très mesurées) pour la forme ? En 1958, lorsque le ministre des Affaires Etrangères employait des termes forts à l’égard des deux enclaves espagnoles, propres à l’idéologie nationaliste de l’Istiqlal, celui-ci a été marginalisé par le gouvernement. Plus parlant, le contenu d’une conversation entre José-Maria Aznar et Driss Jettou, alors Premier ministre, en 2003, rapportée par le journaliste Nabil Driouch, dans son livre Le voisin prudent (2015). Alors que les deux hommes se baladent, Aznar lance : «Vous demandez sérieusement la souveraineté de Sebta et Melilla ?». Réponse de Driss Jettou: «Nous ne cesserons pas de revendiquer la souveraineté de Sebta et Melilla. Cela ne nous dérange aucunement que des Espagnols aient des terrains au Maroc. Nous avons d’ailleurs donné à l’entreprise Fadesa des terrains de 700 hectares, l’équivalent de Sebta et Melilia réunies ! Ce qui nous contrarie en revanche, c’est de voir les symboles de la souveraineté marocaine absents des deux villes, de constater la présence d’éléments des forces de l’ordre et de la douane espagnoles et qu’il faille un passeport ou un visa pour y entrer».
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