Fils aîné de Hassan Ier, Moulay Mhammed a vu trois de ses frères se succéder sur le trône alaouite, sans jamais accéder lui-même à la charge suprême. Tour à tour prétendant agité, captif vénéré comme un messie et prince discret, Moulay Mhammed reste un personnage mystérieux sur lequel a largement brodé la légende.
Nous sommes en 1894 et voilà plus de vingt ans que Hassan Ier règne d’une main de fer sur le Maroc, s’efforçant de tenir à distance l’appétit des puissances étrangères et guerroyant sans relâche pour soumettre les tribus dissidentes. Le sultan est encore auréolé d’un grand prestige. Bien souvent, il suffit que son armée se mette en branle et séjourne quelque temps dans les régions révoltées pour que le calme revienne et que les tribus rentrent dans le giron du Makhzen. Mais c’est là une politique qui ne repose que sur le prestige de Hassan Ier et sur la crainte qu’il inspire, tant sont connues son inflexibilité et sa poigne de fer. Dans les faits, les jours du Maroc indépendant semblent déjà comptés. Voilà en effet un demi-siècle que les Alaouites doivent affronter sur leur territoire une menace occidentale qui n’a jamais été aussi pressante. Le premier avertissement a été celui de la défaite d’Isly en 1844 face à la France, entérinée par le traité de Lalla Maghniya. Puis est venue, en 1860, celle de Tétouan face à l’Espagne. En 1880, Hassan Ier n’a eu d’autre choix que d’assister en spectateur aux accords issus de la conférence de Madrid. Jusqu’ici personae non gratae au royaume chérifien, les puissances occidentales peuvent désormais y commercer librement et peu à peu mettre en œuvre leur politique de déstructuration de l’économie marocaine. Pendant ce temps, dans l’ombre de Hassan Ier, un fils d’esclave s’agite. En tant que hagib (chambellan), Ba Hmad a un accès privilégié à l’intimité du sultan et compte bien se servir de sa position pour assouvir son ambition. Nous en sommes là lorsque Hassan Ier rend l’âme, en septembre 1894, en plein territoire hostile, lors d’une dernière harka (campagne militaire) destinée à soumettre le Tadla révolté. Le journaliste Walter Harris, qui jouera plus tard un rôle de premier plan aux côtés du sultan Abdelaziz, fait le récit circonstancié de la mort de Hassan Ier et des efforts de Ba Hmad pour garder la nouvelle secrète, le temps de placer sur le trône le prétendant qui a sa préférence : « Hassan Ier était mort dans une tente, elle-même entourée d’une muraille de toile, à l’intérieur de laquelle, sauf en de très rares occasions, personne n’était admis à pénétrer ».
Par la rédaction
La suite de l’article dans Zamane N°19
Moulay Mhammed étant borgne, l’image sensée le représenter dans l’article, même si elle le fruit de la phantaisie, ne peut etre correcte.