Notre Islam et l’Islam marocain sont deux expressions tellement galvaudées qu’elles ressemblent, aujourd’hui, à des formules. Tout le monde les évoque, beaucoup s’en servent comme de paravents, pour se protéger, voire pour se justifier. A raison, bien sûr, et parfois aussi à tort. Mais le recours systématique à ces deux formules leur a, bien souvent, fait perdre un peu de leur substance, de leur signification, de leur portée – réelle ou supposée. Dans le même temps, on dit de l’Islam marocain qu’il est modéré, tolérant et ouvert. L’est-il vraiment et jusqu’à quel point, dans quelle mesure ? Comment cet Islam, le nôtre, est-il vécu et perçu ailleurs ? Quelles sont ses particularités ? Quelle est sa place parmi les «autres» Islams ? Zamane a mené l’enquête, loin des idées reçues, en explorant les facettes multiples de cet Islam, ses origines, ses prolongements, et ses limites.
L’Islam marocain », avec des attributs de « modéré » et de « tolérant », est de nos jours une valeur dont la cote ne cesse de grimper sur la scène internationale. Du Mali à la Guinée et aux Iles Comores, le Maroc est de plus en plus sollicité pour son capital en matière de gestion de la chose religieuse. Même les pays du nord, pour ne citer ici que la France, ont récemment sollicité la coopération du Maroc pour la formation des imams.
Qu’en est-il vraiment de cet Islam qu’on voudrait présenter comme modéré, tolérant et ouvert sur la modernité ? Pas aussi tolérant, selon certains qui pointent du doigt ce malékisme rigoureux et exclusiviste qui ne tolère aucune « association » (chirk). Pour preuve, la vie dure qu’ont ces néo-chiîtes marocains dans un pays qui pourtant a connu des dynasties chiîtes au cours de son histoire.
L’Islam marocain ne serait-il pas juste une tradition étatique, dépoussiérée par le Protectorat et raffinée par feu Hassan II, dont le but est d’instrumentaliser la religion et de l’accaparer au profit du « commandeur des croyants » ? La (re)structuration du champ religieux, encore et toujours en chantier, n’est-elle pas un moyen d’accaparer la religion et de domestiquer ses porte-parole, à savoir les oulémas, convertis en de simples « fonctionnaires religieux » ?
Par Mohamed El Mansour
La suite de l’article dans Zamane N° 56