Après seulement dix ans de règne, le sultan Al Mansour Addahbi (1578-1603) devient l’un des plus puissants monarques du bassin méditerranéen. Profitant de la victoire marocaine sur les Portugais lors de la bataille de Oued Al Makhazine en 1578, le jeune sultan déborde d’ambition. En conquérant de vastes territoires au-delà du Sahara, il parvient à régner sur la route de l’or et à amasser une colossale fortune. C’est à l’apogée de son empire qu’il décide la construction du palais Badie, littéralement traduit par «l’incomparable». Al Mansour décide de faire de Marrakech son fief et sa vitrine. Rien de tel qu’un fastueux palais dédié aux affaires politiques et surtout à la réception des émissaires et des ambassadeurs étrangers. En diplomatie, un édifice prodigieux suffit à étaler sa puissance. C’est ainsi qu’en 1593, la Palais Badie ouvre ses portes et devient le symbole ultime du renouveau de la puissance chérifienne. Mais ce nouvel édifice voulu par le sultan doit être différent de tous les autres, notamment de ceux issus de l’héritage Almohade porté au Moyen Age par Yacoub Al Mansour.
Le monument est inspiré des splendeurs architecturales d’Al Andalus en particulier le grand palais de Cordoue. A ce titre, une symétrie parfaite dresse les contours d’une immense tour rectangulaire de 135 mètre de long et 110 de large. Sur les côté de cet espace tapissé d’un zellige (carrelage) typique de l’époque saâdienne, deux grands bassins encerclent des jardins d’oliveraies et d’orangeraies. Au milieu de la cour, jaillissait une imposante fontaine comparable à celles d’Al Andalous. Les bâtiments couverts du Badie s’insèrent dans les quatre ailes de la structure. D’après l’historiographe de la dynastie saâdienne Al Fachtali, les portiques de ces bâtiments reposent sur 500 colonnes de marbre. Il rapporte aussi que les ailes sont entrecoupées d’une vingtaine de coupoles, dont seulement cinq subsistent aujourd’hui. Jamal Aboulhoda Abdel, conservateur du patrimoine culturel de la région Marrakech Safi, retient des sources contemporaines qu’il a étudié une logistique encore jamais vu au Maroc : «L’édification du palais Badie s’est faite avec des matériaux venus d’Europe, d’Afrique subsaharienne et même de Brésil et d’Inde». Ainsi, le marbre est importé d’Italie et d’imposantes sculptures en or massif venaient garnir les couloirs de «l’incomparable». Un décor de rêve qui ne tarde pas à être sérieusement menacé. Dès la mort du sultan Al Mansour en 1603, les rivalités politiques déstabilisent l’empire et monopolisent les ressources. Le démembrement territorial qui s’en suit isole Marrakech et la prive de la protection de l’autorité centrale. Pour le Palais Badie, c’est le début de la décadence.
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