Treize années se sont écoulées depuis la mort du roi Hassan II. Comment l’Histoire juge-t-elle un homme et un chef d’Etat d’une telle complexité ? Qu’a-t-il réellement légué à son pays ?
Sacré paradoxe que celui du roi Hassan II. Un homme qui ne cesse de hanter les rêves ou les cauchemars des Marocains. Un roi à la fois craint et adulé par tout un peuple. Un chef d’Etat qui a côtoyé les plus grandes figures du XXe siècle et qui a laissé sa marque d’une façon indélébile. A sa manière, Hassan II a réussi à dépasser les limites de sa propre existence et à devenir un personnage atemporel. Pour cela, il a agi consciemment et inconsciemment sur la postérité. Par sa politique variée au cours de son long règne de 38 ans, le monarque a bâti un Maroc à la mesure de ses ambitions. Dès son intronisation en 1961, il s’est attelé à dessiner les contours d’un Etat fraîchement indépendant. Les constitutions qu’il a fait rédiger pour le pays ont donné un sens institutionnel à la place qu’il s’est accordé dans l’Histoire. Aujourd’hui, l’image de l’homme et du chef d’Etat se confondent parfaitement. «Le style, c’est l’homme», se plaisait-il à répéter. Un style justement qui ne laisse personne indifférent. D’une part, un sens aigu de la stratégie politique, doublé de réelles qualités de communication. De l’autre, un monarque fréquemment sujet à de graves dérives autoritaires, intolérant et impitoyable face à ses adversaires politiques et parfois face à son propre peuple. Ce sont d’ailleurs ces deux aspects de sa personnalité qui fascinent encore les Marocains, en particulier les jeunes générations qui n’ont pas vécu son règne. Quelle est donc la part de responsabilité de cet homme dans les échecs et les succès du Maroc d’aujourd’hui ? En tout état de cause, l’héritage politique de Hassan II définit ce que l’on appelle aujourd’hui «l’exception marocaine». C’est-à-dire un pays à double facette, qui désire garder intactes ses traditions et en même temps aspire à s’ancrer dans la modernité sociale et politique. Une image singulière qui a parfaitement su charmer les médias et les cercles d’intellectuels. Reste à savoir si le projet hassanien pour le Maroc est encore viable et désiré.
Sami Lakmahri
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