Le dernier rapport annuel de la Cour des comptes s’attarde sur l’état de la recherche scientifique à l’université Mohammed V de Rabat. Résultat : des chiffres chocs concernant la production scientifique et plusieurs inquiétudes quant à l’avenir de la formation doctorale au Maroc.
Des chiffres qui ont de quoi choquer : ceux concernant la production scientifique à l’université Mohammed V, publiés par le dernier rapport annuel de la Cour des comptes. Parmi les dysfonctionnements relevés par la Cour, plusieurs pages ont été consacrées à la recherche scientifique au Maroc, et plus précisément à Rabat où l’université dispose de plusieurs centres et instituts de recherche.
Concernant la production scientifique, l’institution a relevé que sur les 1200 publications dans des revues indexées produites par les chercheurs de l’université durant la seule année de 2015, seulement 4,09 % concernaient les sciences humaines et sociales. Autant dire que la grande majorité des articles scientifiques sont dominés par ceux concernant les sciences, l’ingénierie et la médecine. L’histoire, le droit, la sociologie, l’anthropologie et la philosophie sont donc les parents pauvres de l’université de la capitale marocaine.
Dans son rapport, la Cour des comptes tente d’expliquer ce grand écart, par « le faible taux d’adhésion des enseignants chercheurs » aux structures de recherche. La plupart des chercheurs préféreraient donc se contenter d’enseigner, et non d’exercer leur activité de chercheur. Autre raison de la faible production scientifique à l’université, « la nature des supports de publication retenus par l’université, à savoir les revues indexées ». Ces revues indexées, référence mondiale en terme de recherche scientifique et dotées de critères sérieux au niveau de la rigueur académique, seraient boudées par les chercheurs marocains, ceux-ci préférant bien souvent avoir recours à des livres collectifs non références ou même des journaux pour publier leurs articles. L’institution dirigée par Driss Jettou va plus loin en enquêtant sur les doctorats de l’université. La gestion des centres d’études doctorales est pointée du doigt. Cible des critiques, le centre de la faculté d’Agdal de droit qui, depuis sa création en 2008, n’a tenu sa réunion qu’une seule fois, alors que les textes en prévoient au moins deux fois par an, précise le rapport.
La même source ajoute que peu de cycles d’études doctorales ont un véritable rendement. Pour certaines filières, le taux d’abandon oscille entre 35 % et 49 %. Un état les lieux critique qui ne concerne pour l’heure que l’université Mohammed V et qui renseigne sur l’état de la recherche scientifique au Maroc et, plus généralement, du système de l’enseignement supérieur où les sciences humaines et sociales, négligées et ignorées, pâtissent d’un laisser-aller flagrant.