Alors que la résistance marocaine se fait briser par le Protectorat à coup de procès expéditifs, Jean Charles Le Grand, alias «l’avocat des nationalistes», tente désespérément de la défendre. Ses plaidoyers sont un précieux témoignage d’une sombre époque.
Les grands résistants qu’il défend dans les années 1950 ont aujourd’hui leurs noms gravés sur les plaques des plus grandes avenues. Lui, non. Pourtant, rares sont les Français ayant aussi ardemment combattu les dérives sécuritaires de la Résidence. Jean Charles Le Grand se définit d’abord comme un patriote français. De ceux qui éprouvent de la honte lorsque la chère patrie transgresse ses valeurs les plus élémentaires. Toutes celles, qui, depuis 1789, forgent une image d’Epinal du pays des droits de l’homme. En tant qu’avocat, Jean Charles Le Grand trouve au sein des palais de justice, le terrain de bataille idéal pour affronter ses adversaires qu’il nomme des «coloniaux fanatiques». Un sujet qu’il connaît à la perfection, puisqu’il a lui-même prôné l’extrémisme. Car, le destin de ce brillant orateur est lié aux mouvements fascistes de l’entre deux guerres. En 1936, Le Grand se fait connaître en fondant un violent groupuscule d’extrême droite : le Front de la jeunesse. Etonnante trajectoire pour un ancien sympathisant des discours antisémites d’Hitler. La guerre, probablement, transforme l’avocat. La question de l’émancipation des peuples lui apparaît dés lors comme une évidence. Au Maroc, il devient à l’aube des années 1950, le porte parole des victimes coloniales : «Je parle au nom des silencieux. Ceux-là, ce sont les condamnés des tribunaux militaires. Ce sont les torturés des geôles de police. Ce sont les réclusionnaires des prisons centrales, condamnés sans mesure, pour l’exemple». Cette citation est tirée d’un fabuleux ouvrage (malheureusement tombé dans l’oubli) rédigé par l’avocat. Son nom est équivoque : «Justice, Patrie de l’Homme».
Par sami lakmahri
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