A près avoir été internationalisée, la question du Sahara revient, de temps à autre, au bercail, pour éclairage, recadrage et débat en interne ; particulièrement en période de crise. Jamais auparavant, la situation n’avait été aussi sérieuse. Il n’a jamais fait aussi lourd sous le ciel saharien et, par extension, sur tout le pays. Un bref rappel des faits. A quoi avons-nous échappé ce coup-ci ? Car il s’agit bien d’un coup ourdi et monté dans les coursives insonorisées de l’ONU et de quelques chancelleries un peu plus adjacentes et plus influentes que d’autres. Tout est parti d’une sorte de mémoire émanant du centre Robert F. Kennedy, une ONG dirigée Mme Kerry Kennedy, nièce de l’ancien président américain. Il constitue l’essentiel du projet de résolution que les Etats-Unis devaient présenter au Conseil de sécurité, lors d’une réunion imminente destinée au conflit du Sahara. Le texte initial prévoyait l’élargissement des prérogatives de la Minurso aux problèmes des droits de l’Homme, avec toutes les précautions de codage du lexique onusien. Branle-bas de combat diplomatique entre le lundi 15 avril 2013, date de la publication du projet indésirable et le jeudi 25 avril, où l’annonce de la mouture définitive d’une résolution qui incite au respect des droits de l’Homme, mais sans modification aucune du mandat de la Minurso, a été faite.Le téléphone n’a jamais autant fonctionné, sur la ligne Rabat-New York-Washington que durant cette décade prodigieuse, par-delà l’Atlantique et le décalage horaire. Entre temps, les Américains avaient retiré du circuit la note de cette discorde qui a fait monter la température au Sahara et dans toute la région. En l’espace de dix jours, on a réellement senti que le sable du Sahara, que nous voulons marocain et pas autre chose, nous fuyait sous les pieds. Une fois inscrite, noir sur blanc, dans un texte de l’ONU, la notion des droits de l’Homme, telle qu’elle a été initialement formulée, devenait incontrôlable. Elle pouvait faire des petits à tout bout de champ et sous tous les prétextes. Dans le cas d’espèce qui nous intéresse, elle était d’ailleurs programmée pour cela. Pierre angulaire de toutes les libertés fondamentales, dogme d’un vivre ensemble en bonne intelligence, et pourtant, il n’y a pas un domaine aussi volatil. Quoiqu’on dise, de façon un peu soporifique, nous avons encore quelques grosses indélicatesses avec les droits de l’Homme. Nous avons juste réglé une bonne part du passif. Mais il reste beaucoup à faire et il en restera toujours, dans un combat quotidien. Il n’en est pas autrement dans les pays les plus respectueux des principes universellement reconnus de libertés individuelles et collectives. Où s’arrêtent-elles, ces libertés ? A un Polisario qui voudrait se délocaliser des camps de Tindouf et prendre racine dans ce Sahara si férocement convoité par leurs commanditaires algériens ? Peut-on mettre dans la rubrique « liberté », des égorgeurs de soldats sans armes comme ceux de Gdeim Izik ? A-t-on le droit de céder ce qui constitue la base matérielle de tout attribut de souveraineté, à savoir le territoire et son intégrité, dont on est, par ailleurs, garants à tous les niveaux de l’Etat ? A part cette dernière question où la réponse est définitivement négative et qu’aucun arrangement constitutionnel ne peut rendre recevable, les deux premières interrogations restent ouvertes, malgré tout.
L’affaire Gdeim Izik, justement, et, auparavant, celle d’Aminatou Haidar avaient beaucoup donné à réfléchir sur ces questionnements. Comment n’a-t-on pas vu venir et pourquoi n’a-t-on rien fait pour enrayer les causes et la mécanique, pourtant visibles, qui ont pu conduire à Gdeim Izik ? N’y avait-il pas d’autres façons de faire avec une Aminatou Haidar, jusque-là illustre inconnue, que nous avons transformé en « pasionaria » séparatiste qui a, désormais, ses entrées au Département d’Etat américain ? Et puis, pour coller à une actualité toute fraîche, ne savions-nous pas, pertinemment, que Mme Kerry Kennedy ne nous a jamais voulu que du bien ? N’a-t-elle pas fait un long séjour au Sahara, librement, avant son safari de Tindouf. Elle a pourtant livré un rapport préconçu ! Pourquoi donc avons-nous donné la nette impression d’être surpris par sa partialité ? Notre diplomatie n’a-t-elle rien à se reprocher sur ce registre décisif, en terme de suivi et de pro-activité ?
Rien n’est moins sûr. Par ailleurs, ce qui relève d’une certitude sans faille, ce sont les erreurs d’appréciation et de gestion qui ont accompagné ce dossier, fleuron d’une belle unanimité nationale, dans son long parcours cahoteux. Avec ce tout dernier dossier, nous revenons de loin certes, mais nous ne sommes toujours pas sortis de l’auberge.
YOUSSEF CHMIROU, DIRECTEUR DE LA PUBLICATION