Je suis de retour à Zamane. Je suis heureux de retrouver l’équipe de cette valeureuse publication qui invite les Marocains à s’approprier ensemble leur passé, et à s’inventer un commun qui leur permettra de s’insérer positivement dans leur temps. Il va sans dire que j’ai une grande joie de communiquer de nouveau avec les fidèles lecteurs de Zamane. Sans eux, une aventure osée comme celle-ci ne serait qu’une parenthèse de quelques mois. Durant mon ermitage en Bretagne française, j’ai consacré trois jours à Paris. J’ai revisité en particulier trois lieux de mémoire de la communauté marocaine en France : le 1er boulevard Jourdan, le 20 rue Serpente, et le 115 boulevard Saint-Michel. Le 1er boulevard Jourdan dans le XIVe arrondissement abrite la Maison du Maroc faisant partie de la Cité internationale. C’est le lieu d’hébergement d’étudiants et de chercheurs marocains à Paris. La Maison du Maroc emmagasine, à elle seule, une partie de l’histoire du Maroc indépendant. Aujourd’hui devenue fondation, elle entame une nouvelle phase de son histoire en essayant de s’approprier positivement son riche passé. Le 20 rue Serpente, à quelques mètres de la mythique fontaine de la place Saint-Michel, était le siège du club des étudiants marocains à Paris depuis 1947. Avant cette date, ils étaient des Nord-africains. Avec la création du club, ils donnaient vie à une appartenance à un Maroc en devenir sans renier l’appartenance à l’identité élargie qu’était le Maghreb naissant. Ce club allait avoir une histoire particulière, celle de l’engagement de la communauté marocaine en France dans la lutte pour l’indépendance du pays. Le lieu regroupera ouvriers et étudiants, abritera le séjour d’éminents leaders nationalistes. Il devint un centre de documentation et de médiatisation du combat pour l’Indépendance. Après 1956, il prit la forme légale d’une association : l’Association des Marocains en France (AMF). Elle devint avec l’UNEM (Union Nationale des étudiants Marocains) les deux représentations populaires de la communauté marocaine. Elle connût ses moments de gloire au sein du monde de l’immigration et succomba aux dissensions et autres concurrences des factions de la gauche marocaine. Elle disparut en quittant ce lieu chargé de mémoire militante. Une grande perte pour les Marocains. Le 115 boulevard Saint-Michel est le lieu le plus ancien. Il abritait le siège de l’Association des Étudiants Musulmans Nord-Africains (AEMNA). Une association créée en même temps que l’Etoile Nord-Africaine du grand leader Maghrébin, Messali Hadj. L’AEMNA est la mémoire vivante de la naissance et du développement de l’idée du Maghreb. C’était le lieu de brassage des étudiants venus des trois pays de l’Afrique du Nord. De grandes sommités du Maghreb ont fait leurs premiers pas dans ce cadre. Les rêves communs de libération, de développement, d’unité et de démocratie ont été élaborés dans ce lieu. En plein cœur du quartier Latin, l’AEMNA, au 115 du boulevard Saint-Michel, était un carrefour où les jeunes maghrébins essayaient d’inventer un avenir commun, humaniste et moderniste. En face de l’idée du « Maghreb Arabe », développée par leurs compatriotes au Caire, ils prônaient une sorte de Maghreb fédéral où les entités des trois pays s’articulent sans fusionner dans une entité unique, excluant toute diversité. Ainsi après les indépendances, l’immeuble du 115, propriété de l’État marocain, abrita, en plus d’un restaurant halal au rez-de-chaussée, les sièges des centrales syndicales étudiantes du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie (UNEM, UGET, UNEA) et l’AEMNA qui devint un organisme fédéral. Suite aux conflits successifs entre chaque centrale et son État, l’activité estudiantine a été étouffée progressivement dans chacun des trois pays. Le 115 fut alors déserté et les SDF devienrent les nouveaux locataires des lieux. Au terme d’une procédure judiciaire compliquée, l’État marocain récupère le bâtiment dont il a la propriété. L’objectif était d’en faire un centre cultuel du Maroc à Paris, un projet salué par les intellectuels du pays. Des fonds importants ont été débloqués pour rénover le bâtiment. Il semble qu’ils ont été affectés à la rénovation de l’ambassade du Maroc. Aujourd’hui, le 115, ce haut lieu de la mémoire marocaine et maghrébine, est dans un état de délabrement presque criminel. Il serait peut-être mis en vente, et l’Égypte serait acquéreur ! Si cette rumeur a un semblant de vérité, c’est que nous courons vers une catastrophe mémorielle. Aussi, la sauvegarde de ce lieu de mémoire, sa rénovation et la mise en route de sa nouvelle vie culturelle ne sont pas seulement des devoirs vis-à-vis d’un patrimoine commun, mais aussi une projection dans un avenir confiant et prometteur.
Par Mostafa Bouaziz, conseiller scientifique de Zamane
Coucou, Finalement un joli petit post succinct et clair. J’affectionne consulter tes posts qui sont continuellement d’excellents propos
Cher Monsieur,
Le 115 en question est en cours de démolition totale et sera remplacé par un bâtiment des plus modernes et en complète rupture avec l’aspect du quartier.
Une idée du gouvernement du Maroc, apparemment.
Personnellement, je déplore vivement un construction qui est le contraire d’un modèle d’intégration réussie dans un environnement urbain et historique classé.
Vous trouverez facilement des informations dans la presse.
Je vous remercie, Monsieur, de votre aimable attention.
Mes sincères salutations.
Alexandre Charlier