Pour Zamane, Serge Berdugo, Président de la Communauté Juive au Maroc, accepte de se livrer, lui qui n’accorde que très rarement des interviews. Au menu : exode des Juifs, Mohammed V, Istiqlal, retour en grâce de la culture judéo-marocaine…
Vous êtes un acteur majeur du programme de réhabilitation du Patrimoine Juif Marocain, en particulier celui des Cimetières et des Synagogues. Racontez-nous comment le Maroc a fait de ce chantier l’une des priorités de sa politique culturelle…
C’est une histoire de prise de conscience. Nous baignons, sans vraiment nous en rendre compte, dans la culture et les valeurs Judéo-Marocaines. Cette culture est en train de renaître, sous l’impulsion de quelques chercheurs et intellectuels juifs marocains, alors même qu’elle était malmenée, sinon dépréciée en Israël. Quant à nous, au Maroc, nous sentions en parallèle le besoin d’agréger la diaspora juive marocaine disséminée dans le monde. En tant que gardiens de cette identité, nous avions le devoir de la pérenniser. Que ce soient les traditions, les bâtiments, les vestiges et les sites, nous ne pouvions pas laisser se rompre notre héritage et en priver nos descendants. Il est du devoir de ma génération de préserver, puis de réhabiliter ce patrimoine.
L’Etat s’est-il impliqué dans ce premier élan ?
Au départ, à la fin des années 1990, les efforts sont ceux de la communauté juive marocaine, dans et en dehors du pays. En compagnie de Simon Levy, Boris et Jacques Toledano, nous étions quatre à faire vivre ce beau projet. Notre première grande opération a été la restauration de la synagogue Ibn Danan de Fès (1999), qui date du XVIIème siècle. Pour la première fois, nous avions obtenu la reconnaissance de notre travail avec la présence d’importantes personnalités lors de l’inauguration, comme le grand rabbin de Paris ou le ministre de la Culture. Puis, nous avons bénéficié de la sollicitude du roi qui a toujours considéré le patrimoine juif marocain comme partie intégrante du patrimoine culturel national. Nous avons pris contact avec les musées juifs des grandes villes pour nouer des collaborations et organiser des expositions. Après le musée juif de Paris, la plus fameuse reste celle présentée au jewish museum de New York et qui a connu un succès énorme en 1999. à ce moment, les projecteurs se sont allumés sur le judaïsme marocain. J’ai le souvenir d’un concert exceptionnel qui s’est tenu la première fois, dans le cadre du Temps du Maroc à Paris en 1999. Ce grand moment musical qui a revisité la musique populaire juive marocaine interprétée par une musulmane et une juive a, me semble t-il, été vu par 20.000 spectateurs dont la Reine d’Espagne, Jacques Chirac, Shimon Peres ou encore les sénats américain, français, belge…
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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