Le maristan Sidi Frej de Fès est un hôpital construit à la fin du XIIIème siècle. Cet établissement, objet aujourd’hui d’une réhabilitation en tant que patrimoine historique, est une vitrine de la médecine de pointe dont était capable le Maroc médiéval. Médecins, herboristes, infirmiers, vétérinaires et même musiciens exerçaient dans un milieu très avance sur son temps.
Après la prière d’Al Asr, les musiciens prennent place dans le grand patio central baigné de la douce lumière de fin d’après midi. Tout autour, des hommes avancent d’un pas lent et s’assoient en tailleurs autour de la cour tapissé d’un zellige coloré. Au balcon du premier étage, des femmes se penchent et continuent de discuter en attendant les premières notes. Le ton est donné par les violons, avant que les autres instruments ne fassent résonner les grands classiques de la musique andalouse dans cette grande bâtisse du centre ville…
Cette scène ne se déroule pas dans une riche demeure fassie férue de culture. Elle a lieu tous les vendredis au sein d’un mâristân de la capitale chérifienne… à la fin du XIIIème siècle. Cet espace hors-du-commun est conçu par des personnes éclairées qui croient, déjà, aux vertus thérapeutiques de la musique. Le maristan, mot d’origine perse, désigne les structures hospitalières dans le monde arabo-musulman. Il en existe beaucoup en Orient, Damas et Bagdad particulièrement, mais aussi dans les grandes villes marocaines comme Salé ou Marrakech. Le maristan Sidi Frej de Fès demeure un cas à part. Fondé en 1286 sous le règne du sultan mérinide Abou Youssef Yacoub, l’hôpital est un modèle du genre. Entre autres innovations, il est la plus ancienne structure connue dans le monde à être dédiée aux malades souffrants de troubles psychiatriques.
Au départ, seule une partie de l’immense édifice accueillait ce genre de malades. Mais au début du XVIème siècle, qui correspond aussi au long déclin de Sidi Frej, de Fès et de tout l’empire marocain, le maristan se spécialise et devient un asile pour malades mentaux. C’est ainsi qu’il a survécu dans la mémoire collective des habitants de Fès, qui se réfèrent encore à lui lorsqu’ils demandent à une personne, apparemment «dérangée», si elle ne sort pas de Sidi Frej, comme ailleurs on ferait de même pour Bouya Omar et Berrechid.
Par Sami Lakmahri
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