Depuis la création de Zamane, en novembre 2010, la rubrique « Courrier des lecteurs » est notre principal centre d’intérêt. Nous prêtons une attention particulière à ce miroir, parfois déformant certes, mais qui nous reflète notre image à travers les réactions de ceux qui nous font l’honneur de nous lire, pour lesquels nous écrivons et sans lesquels notre existence, en tant que publication n’aurait aucun sens. Les retours d’information, y compris les plus critiques, sont donc les bienvenus.
Ces professions de foi professionnelles, étant dites, les remarques que nous avons récemment reçues (lire page courrier de ce mois-ci) demandent non pas vraiment des mises au point, du moins quelques rappels, à toutes fins utiles. Sans polémique, ni dépassement de langage, comme c’est malheureusement le cas de la part de certains de nos contradicteurs qui ont réagi à nos derniers numéros. Dans les missives qui nous sont adressées, un mot et une expression méritent d’être relevés : « neutralité » et « ligne éditoriale », avec toutes les imbrications et les interactions qu’il peut y avoir entre les deux.
Dès le premier numéro, comme c’est de coutume, nous avons donné le ton, exposé, et expliqué la raison d’être de notre magazine, sa singularité projetée par rapport à l’existant et sa pertinence obligatoire par rapport à son contenu. Nous avons donc mis en chantier une publication spécialisée, avec l’histoire du Maroc pour thème unique de réflexion et d’analyse. Notre objectif annoncé, et scrupuleusement respecté est d’apporter un tant soit peu des éclairages instructifs sur des périodes et des aspects peu connus de l’histoire de notre pays. Chaque cas d’espèce est évidemment étayé par des faits intangibles, sur la base de documents de première main, de travaux réalisés par des chercheurs connus, de préférence reconnus, et des témoignages directs ou rapportés.
En somme, la méthodologie historique dans toute sa rigueur et dans ses possibilités d’adaptation aux exigences formelles d’un éphéméride mensuel.
C’est là toute notre ligne éditoriale et rien d’autre. Il n’empêche, on nous soupçonne, malgré tout, de pêcher par excès d’éclectisme délibéré dans le déroulé de l’évènementiel, de grossir ou de minorer des faits, pour ne retenir que ce qui conforte des hypothèses préétablies. Nous serions ainsi porteurs d’une idéologie non dite, au service de laquelle nous ne faisons que mobiliser une trame factuelle soigneusement tamisée. En clair, nous ne serions pas « neutres ». Les plus indulgents estiment que nous l’étions, mais que nous ne le sommes plus !
« Neutres ». Le mot est lâché, même si « objectifs » aurait été plus approprié. Il suscite, néanmoins, les interrogations qui ont toujours accompagné le travail des journalistes, même les plus spécialisés et les plus indépendants. Il en va de même pour le travail des historiens, même les moins suspectés de dogmatisme idéologique. « L’information est sacrée, le commentaire est libre ». Soit ! Encore faut-il que l’information soit neutre en soi, par delà le traitement et la mise en forme. Et le fait historique, objectif en lui même, au-delà de sa mise en contexte qui lui donne du sens et de l’intelligibilité. « Les faits parlent d’eux-mêmes », dit-on, à condition de leur poser les bonnes questions pour les faire parler intelligemment, sans leur tordre le cou.
Plus que leurs collègues qui traitent de l’actualité, les journalistes qui informent sur le passé sont plus exposés à ce genre de questionnements. Surtout lorsque le passé en question a encore des prolongements et de l’impact sur le temps présent.
Que ces lecteurs se rassurent. Nous ne faisons ni « racolage », ni « sensationnalisme », ni « mercantilisme ». Les membres de la rédaction de Zamane, journalistes confirmés et historiens reconnus, ne sont pas porteurs d’on ne sait quel gène d’immunité politique ou d’apolitisme béat. Ils ont leurs convictions et leurs principes. Les seules obligations qu’ils assument volontiers, ce sont le respect de la déontologie professionnelle et la recherche de la vérité historique avec les recoupements nécessaires. Ils s’en conforment, en leur âme et conscience. Sous votre contrôle et sans aucune influence que votre jugement.
Quant aux corps neutres, ils n’existent que dans les lois de la physique, en laboratoire. Pas dans la vie, encore moins dans l’effort intellectuel.
YOUSSEF CHMIROU
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION