Nous ne parlons pas de développement mais de modèle de développement. Il s’agit de trouver une recette pour régler tous les maux de la société. Les modèles abondent, le Fonds Monétaire International (FMI) propose, voire impose un paquet de mesures qu’il tient pour les seuls modèles de développement économique valables. Mais il parle aussi de l’éducation, du social, de l’humain, voire même de patrimoine immatériel. Donc le FMI, qui est concerné par le développement et ses dividendes, pourrait avoir le meilleur modèle de développement qui puisse exister. Sachons qu’il mobilise pour cela une armada de chercheurs, d’experts et de fonctionnaires qui travaillent jour et nuit pour adapter les mesures prises aux situations particulières. Comment pouvons-nous rivaliser avec une aussi importante, imposante et forte institution qui, depuis plus d’un siècle, dirige aujourd’hui le monde ?
Mais si le FMI tient compte de l’éducation, du social, de l’humain et bien d’autres choses encore, ce n’est certainement pas pour développer les sociétés endettées dans le sens où nous le recherchons aujourd’hui. Il éduque (ou enseigne) pour créer des machines qui serviraient à la production des biens qui lui permettraient de récupérer son argent. Cette production a des dommages collatéraux, le social et l’humain en premier lieu. Quelles propositions fait le FMI pour réparer ces dommages ? En fait, ils sont irréparables car ils sont la résultante de son programme pour le tiers monde (j’ignore si ce concept est encore
en cours).
Du moment qu’on comprend le développement uniquement dans le sens économique et productif, de croissance, on ne peut que créer une société d’esclaves à la production et éjecter selon cette même conception tout ce qui ne rentre pas dans cette machine.
Il faudrait pour le comprendre se poser la question comme feu Aziz Belal, déjà dans les années 1970, sur « les facteurs non économiques du sous-développement ». En fait, c’est quoi le développement ?
On peut avancer une définition qui court les dictionnaires :
– Le développement, c’est améliorer le bien-être de chaque personne dans la société pour qu’elle puisse réaliser son plein potentiel
– Le développement signifie qu’il faut investir dans la population. Il est nécessaire d’éliminer les obstacles empêchant les citoyens à réaliser leurs rêves avec confiance et dignité.
– Tous les citoyens doivent avoir des possibilités de croître, de développer leurs compétences et de contribuer à la vie familiale et communautaire d’une façon significative.
J’accepte cette définition et je l’analyse : On relève ici les points importants suivants : réaliser son plein potentiel ; accomplir ses rêves avec confiance et dignité ; contribuer à la vie communautaire. Mais, quand on veut ou on doit réaliser le plein potentiel, s’agit-il uniquement de la nourriture, de la vie matérielle ou devrions-nous interroger autre chose ?
Quant à accomplir ses rêves avec confiance et dignité… Certes ? On peut rêver de ce qu’on veut, mais le rêve fait partie intégrante de la création, voire même la base de la création. Un peuple qui ne crée pas est un peuple qui dépend des rêves des autres, qui vit dans les rêves des autres. On peut asseoir un modèle de développement économique tout en restant sous-développé. Les exemples des pays qui vivent de la rente pétrolière en sont l’exemple le plus éclatant. Et puis, pour contribuer à la vie communautaire, s’agit-il d’apporter uniquement une plus-value économique ?
Pour le modèle de développement, il faut voir d’abord quel Marocain voulons-nous avoir pour demain ? Quel genre d’humain, de Marocain inventons-nous aujourd’hui via notre enseignement, nos médias, via aussi la culture que l’Etat véhicule et dote de moyens ? L’État semble avoir pris le pari du passé, et a ainsi coupé le souffle au rêve et à la projection dans l’avenir. Un modèle de développement qui reste attaché au passé ne pourra pas résister à la concurrence du temps, et ne fera que reproduire le même modèle déjà essoufflé.
Par Moulim El Aroussi, conseiller scientifique de Zamane