La cinquième fois sur le métier, et on remet ça. Après l’échec de quatre candidatures à l’organisation de la phase finale de la Coupe du Monde de football, 1994, 1998, 2006 et 2010, clôturées par un non-recevoir répétitif, mais pas forcément identique, le Maroc est bel et bien candidat pour abriter l’édition 2026 de cette fête planétaire du foot. Bien que son officialisation n’ait eu lieu qu’en août 2017, on sentait venir une décision qui était dans l’air. Le Maroc tenait à sa propre Coupe du Monde, comme s’il en était devenu addict, au point de récidiver à cinq reprises. La mobilisation générale pour l’aboutissement de ce projet n’a été décrétée que le 13 janvier 2018, par la voie autorisée du comité d’organisation. Cette candidature est-elle une de plus, au risque de récolter le même résultat au final ? Ou bien a-t-elle plus de chance que les tentatives précédentes ? C’est toute la question qui habite ledit comité, chapeauté par deux figures bien connues sur l’espace de la chose publique, Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie et du Commerce, et le président de la Fédération royale marocaine de football, Fouzi Lekjaâ. La machine est lancée pour une campagne de communication aux quatre coins du monde. L’enjeu est d’importance dès lors qu’il s’agit d’un spectacle international où le pays hôte est au-devant d’une médiasphère aux dimensions du globe. C’est une forme d’entrée dans l’histoire par une porte pacifique. À ce stade d’évolution de la pratique universelle de ce sport populaire, on est carrément dans l’aménagement du territoire et de la finance publique au sens le plus regardant et le plus porteur. Sur ces deux paramètres, le comité organisateur ne devrait pas avoir de difficulté à mettre en valeur le progrès relatif, mais néanmoins prometteur, que connaît le pays dans le secteur du transport, sans que le TGV ne soit l’arbre qui cache la forêt, ainsi que sur les infrastructures routières comme les autoroutes, la capacité hôtelière et, bien évidemment, les équipements sportifs. On ne cesse de clamer, à juste titre, dans le cercle chargé de porter la parole de ce projet, que le Maroc remplit toutes les conditions exigées par le cahier des charges de la FIFA. Il est plutôt bien qu’il en soit ainsi, mais il serait encore mieux par rapport à une réalité en mouvement relayée par un discours d’accompagnement. Sous un angle démographique, nous serons, en 2026, à la croisée d’un renouvellement de générations nées sous le règne de Mohammed VI. Du haut de sa décennie à peine bouclée, ou pas encore, cette génération-là sera bel et bien sur l’aire du jeu politique et social. Un « Mundial 2026 » au Maroc serait un signe hautement distinctif du règne du roi Mohammed VI.
Dans ce genre de concurrence sans ménagement, le Maroc aura un adversaire porteur d’une candidature commune : USA, Canada et Mexique. Amener des puissances avérées ou émergentes à se coaliser contre la candidature du Maroc, c’est déjà un point positif en soi. Une bataille inégale du genre David contre Goliath, que nous pouvons gagner, à condition de ne pas présenter des rêves légitimes pour des réalités d’ores et déjà acquises, tout comme nous l’avons fait dans les éditions précédentes, sans vraiment en avoir les moyens. Comme attendu, la question sur l’état des droits de l’homme est soulevée par la FIFA. Et comme attendu également, le staff de communication sur la candidature du Maroc a affirmé, une fois de plus, que des avancées ont été réalisées dans ce domaine, même si beaucoup reste à faire. Pire encore, en 1998 en France, comme en 2010 en Afrique du Sud, il paraît que nous avons succombé à la corruption. À ce jeu malsain et contraire aux idéaux de l’éthique sportive, le Maroc n’a pas eu gain de cause. Il aurait mis sur le table beaucoup moins que les instances sportives de la France et de l’Afrique du Sud. L’affaire était entendue. Ce marché malsain a laissé tellement de traces que nos responsables attitrés ont bien fait de mettre en avant «une campagne propre». Engagement a été pris que les scandales qui ont dernièrement secoué les structures de la FIFA ne seront pas de mise cette fois-ci.
Dans ce tourbillon de gros chèques et de valises de billets verts, la partie non contaminée de l’univers du foot continue à chercher les valeurs fondatrices de l’esprit sportif. Cette survivance légitime un peu plus la candidature du Maroc. Autant les précédentes candidatures étaient au-dessus de nos moyens en termes d’équipements et de logistique, autant ce cinquième essai a tout l’air d’être le bon. Le verdict est annoncé pour le 13 juin 2018. D’ici là, tout un travail de communication est à mettre en place, au plus vite.
YOUSSEF CHMIROU
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION