Un Marocain peut aller à Tindouf, rencontrer les dirigeants du Polisario, peut deviser avec des tortionnaires qui ont sévi contre des Marocains, voire prendre, publiquement, des positions hostiles aux intérêts stratégiques du pays et revenir au pays sans être inquiété. Un égyptien, dont le pays a fait trois guerres avec Israël, peut se rendre légalement en Israël, le plus normalement du monde. Mais, un Marocain ne pourra plus, en vertu d’une proposition de loi, se rendre en Israël sous peine de sanctions pénales allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Il ne pourra plus le faire, même s’il doit défendre le droit des Palestiniens, même s’il doit rencontrer des milieux appelant au dialogue et à la paix entre les deux communautés. Il ne pourra plus, s’il le veut, se rendre à la mosquée d’Al-Aqsa, lieu saint de l’Islam auquel le pèlerinage est recommandé. Il ne le pourra plus, s’il est fonctionnaire de Bayt Mal Al Qods, ce qui pénalisera l’action du Maroc en tant que président du comité Al Qods. Il ne le pourra plus, s’il y compte des parents ou des familiers. Car, devrons-nous le rappeler, nous avons des concitoyens marocains de confession juive qui ont choisi de rester dans leur pays millénaire et qui peuvent avoir des parents ayant choisi d’émigrer en Israël. Ils ne pourront plus leur rendre visite.
Aller en Israël ne veut pas pour autant dire qu’on est sioniste, pro-israélien ou hostile aux droits des Palestiniens. Des intellectuels de renom de chez nous, connus pour leur engagement pour la cause des Palestiniens, se sont rendus en Israël et leur voyage n’est pas un quitus pour l’occupation israélienne ou pour sa politique des colonies. Loin de là. Il est bien sûr concevable que des familles politiques marocaines, de part leur référentiel idéologique proche du panarabisme, ou des islamistes puissent interdire dans leur règlement interne tout contact avec les Israéliens et sanctionner, politiquement, ceux qui l’enfreindraient. Cela se conçoit, même si par ailleurs ces mêmes formations, en catimini, peuvent avoir des contacts avec des Israéliens. On peut moralement refuser de se rendre en Israël pour protester contre l’intransigeance israélienne dans les Territoires occupés. Ce qui est incompréhensible est qu’une loi pénalise toute normalisation avec Israël. Car, la loi ne vise pas qu’une politique ou une idéologie, mais une nation. Il ne s’agit pas d’une déclaration ou d’un communiqué, mais d’une loi. La différence est de taille.
La loi est l’expression de la volonté générale. Cette même volonté devrait être conforme aux intérêts de la communauté et souscrire aux valeurs universelles auxquelles le Maroc adhère et rien ne devrait empêcher quelqu’un de circuler librement. Il faudrait rappeler ici quelques évidences. Israël existe et il est membre des Nations Unies. Les premiers concernés, c’est-à-dire les Palestiniens, ne remettent pas en cause son existence, mais plutôt sa politique. Israël n’est pas l’ennemi du Maroc, même si, je le sais, des Marocains, considèrent Israël comme leur ennemi. Les citoyens marocains sont libres, ou devraient l’être, quant à leur perception vis-à-vis d’Israël. Il ne sied à des professionnels de la politique d’imposer des vues totalisantes qui engagent toute la nation marocaine, la tiennent en tutelle et de surcroît contraires aux intérêts stratégiques du pays. L’atout majeur du Maroc est d’être considéré crédible par les pays arabes concernés par le conflit (tawq) et par Israël. Cette position n’est pas le fruit du hasard, mais procède d’une légitimité politique et historique : une présence millénaire des juifs, une protection, quand le gouvernement Vichy s’en est lavé les mains, grâce à l’engagement du Roi Mohammed V. Le sang marocain qui a coulé dans le Sinaï et le Golan a donné au Maroc une légitimité pour rapprocher les positions des protagonistes. Sans le Maroc, il n’y aurait pas eu Camp David, ni Oslo, malgré l’échec de cet accord. De part et d’autre, le Maroc est perçu comme l’honnête coursier (honest broker). Et au moment où les chars du Tsahal avançaient vers le compound de Ramallah en mars 2002, siège du chef de l’autorité palestinienne de l’époque (Moqata’a), l’intervention du Roi Mohammed VI était décisive pour préserver la vie du leader palestinien, Yassir Arafat. C’est ce capital qui risque d’être entamé par une telle proposition de loi. Si certains veulent faire du Maroc un état du sommoud oua tassadi (le clan dur des pays panarabes), ils se trompent sur les ressorts culturels profonds du Maroc, de même qu’ils se trompent d’époque. Il serait aussi avisé de leur rappeler que les pays du soummod oua tassadi n’ont qu’une seule chose à leur «actif» : l’échec. Je le refuse pour mon pays.
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L’article ne sort pas de la coutume de Mr. Aourid, L’excellence tout simplement.
Je me permettrai d’ajouter qu’à propos les chefs des Etats du « sommoud oua tassadi » sont comme par hasard les chers amis, les portes feuilles généreux du MOSSAD, mais aussi ses très fidèles clients, en ce qui s’agit de leur garde personnelle.
Mais aussi affirmer le propos de notre très cher professeur, et comme dit George RIPERT dans « les forces créatrices du Droit » { Chaque peuple a le Droit qu’il se donne, donc le Droit qu’il mérite }, et cette loi est drôlement saugrenue, intruse à l’ensemble des lois d’un pays qui, bien entendu à toujours entretenu des liens avec Israël, qui a suscité le renfort de lobbys Juifs étasuniens pour l’affaire du Sahara au congrès…
Une loi que j’oserai qualifier d’antisémite de fond comme de forme, dans un pays qui avait accueilli de nombreux réfugiés juifs en provenance de l’Espagne fondamentaliste chrétienne en 1492, sans oublier les 250.000 marocains de confession juive que le Sultan Mohammed Ben Youssef -paix à son âme- avait formellement refusé de livrer au gouvernement de VICHY, n’a pas de place dans notre système juridique, sinon le Maroc ne serait plus fidèle à lui même.
Il nous faut au Maroc des intellectuels comme Si Aourid pour constituer et construire notre siècle de lumière marocain. Aujourd’hui le Maroc doit affronter des tabous. Parmi ces tabous la religion, la langue arabe et la Palestine. Ces trois domaines constituent des sources de populisme au Maroc depuis plus d’un demi siècle. Chaque fois qu’on voulait détourner l’opinion publique marocain de ces problèmes rééls on chante les trois chanssons classiques; mais il semble que le public voudrai entendre d’autres chanssons plus proche de lui. L’islam marocain de El-Jazouli, Chadli… et les langues marocaines Tamazight, arabe marocain, hassania; Sahara, Anfgou, Tafrawt, Khnifra; Errachidia, Taza, Figuig; etc
Un grand débat national doit être ouvert sur tous les tabous qui freinent le developpement de notre pays. la loi qui a été déposée au parlement est une loi contre les interets strategiques de notre pays, et contre la nature historique de notre pays. Il faut deamsquer les mecanismes irationels de la mentalité absurde des orientalistes. Depuis l’époque des Almohades Ibn Rochd a bien défendu la relativité marocaine contre l’absolutisme orientale. L’articledu proffesseur Aourid s’inscrit dans le meme cadre.
Le Maroc a plusieurs chats à foueter. Laissez-nous d’abord s’occuper de nos chats.
Dr. Handaine Mohamed historien
s il y avait 1 un vote i e vgterai la liberte de m y rendre en israel nous n avons pas des immigrants juifs qui vivait parmi nous ???????????
Je rejoins votre position par rapport à l’absurdité de la loi. Néanmoins, je trouve beaucoup de vos arguments infondés.
Le Maroc est l’ami d’Israël. Ça, on en est sûr. La non-existence de l’ambassade israélienne ne veut pas dire que le Maroc et Israël ne sont pas « amis ». Au contraire, ils sont « très amis » même (de par l’histoire, et de par les intérêts). Je pense que le Maroc n’a pas son mot à dire quant aux intérêts israéliens. On nous fait la dictée; on ne peut plus clair. Le comité Al-Qods est une pièce de théâtre écrite par Israël et jouée par les merveilleux acteurs que sont les pays arabes. Ça fait à peu près deux décennies que l’on se réunit et organise des sommets sans le moindre avancement. La carte de la Palestine rétrécit, les palestiniens sont de plus en plus opprimés, et la judaïsation continue (sans parler des milliers de victimes ! Et on se plaint de l’Holocaust ! Ça n’est pas un génocide ce que font les israéliens sous prétexte de la « Terre Promise » et du « peuple élu »).
Monsieur, si vous permettez, épargnez-moi donc de votre « contraires aux intérêts stratégiques du pays »; il s’agit des intérêts d’Israël. Le Maroc ne peut pas s’y opposer. Sinon, demain une guerre civile verra le jour au Maroc, le problème du Sahara éclatera, et l’anarchie viendra s’installer (on y vit déjà, mais ça sera pire).
Je pense que vous devez lire l’Histoire. Feu Hassan II a été le premier leader arabe à avoir invité Shimon Perez (sioniste, et prix Nobel de la Paix). Vous croyez que c’était le fruit hasard ? Bien sûr que non. Il s’agit de la politique. Des intérêts stratégiques. Israël avait besoin « d’importer » les juifs du monde, et le Maroc devait obéir pour devenir allié avec les États-Unis. C’est important de le préciser, car je vois bien que vous croyez que les interventions marocaines ont toujours été des interventions « bénévoles ». On nous faisait la dictée, et on nous la fait toujours. La vraie question est : « Jusqu’à quand serions-nous soumis à Israël ? Et quand est-ce que pourrions-nous lui faire face sans avoir à être déstabilisé ? »
Je constate que les marocains ne sont pas tous dupes des réalités de nos engagements politiques et continentaux. Je n’en pense pas moins que vous et sincérement, cet « angélisme » exprimé par maints intervenants est lassant..
Félicitations Monsieur Aourid pour cet article de grande sagesse. Je m’inscris parfaitement aux idées que l’article véhicule . Se refuser l’autocensure est une étape decisive vers l’émancipation, la liberté d’esprit et in fine vers la créativité et la production de la valeur ajoutée dans tous domaines confondus.
La vie n’est pas une ligne rectiligne. De la même manière, dans le blanc il y a le noir et le noir à son tour contient du blanc. L’esprit d’analyse cherche à distinguer entre ces différentes nuances. Il y a lieu d’ôter les œillets et avoir une large vue d’une manière à distinguer entre ami juif et ennemi sioniste, entre aller en Israël pour soutenir les branches pacifistes et aller en Israël pour cautionner les actes répréhensibles. Faisant la part des choses pour aller de l’avant au risque de faire de surplace voir même aller au reculons.
Sidi thami El ouazzani
Ecxellent !