À la Villa des arts de Casablanca et celle de Rabat, du 7 Mars jusqu’au 31 Mai 2019, Najia Mehadji expose ses œuvres dans une grande rétrospective retraçant son parcours de 1985 à 2018, ou encore de 2011 à 2018, 33 années de travail entre le Maroc et la France. Najia Mehadji est Franco-Marocaine, elle porte deux visions, deux cultures complémentaires. Deux cultures qui se lient ou se sont liées à travers l’histoire par des heurs ou des malheurs, mais que les artistes savent transcender en les épurant et en les soumettant à l’épreuve du miroir, afin qu’elles vivent la rude épreuve de l’altérité.
Tout en s’ancrant dans la culture artistique européenne, tout en maîtrisant les fines subtilités de la pratique picturale, elle est versée dans la recherche de la vérité de sa culture d’origine. Or, d’une manière grossière, le Maroc, et ce depuis Delacroix, est assimilé, dans l’imaginaire occidental, à l’Orient, malgré le fait qu’il soit l’Occident de ce dernier. Ce triple marquage (Occident/Orient/Occident) de la culture de Najia Mehadji imprègne profondément sa démarche. Elle le traduit par son attachement à trois endroits emblématiques de cette triple vision : Paris, Fès et Essaouira. Trois lieux dont deux sont le fait du lien familial (Paris/Fès), et l’autre s’est fait par adoption (Essaouira). C’est à Fès qu’Ibn Arabi eût la vision la plus importante dans son parcours qui le conduisit au titre du Cheikh Al Akbar (le maître le plus grand), et qui a fait que le soufisme marocain trône aujourd’hui au niveau mondial ; et c’est à Essaouira que l’essentiel de la musique africaine est devenue un geste quotidien des habitants de cette ville.
De ces deux visions est faite sa peinture ; intellectuelle, se fiant au souffle intérieur, indicible et physique, dansant, explorant les méandres du corps. Gnawa et Ibn Arabi. Rien ne vient du hasard, elle obtient, au milieu des années 1970, une maîtrise d’arts plastiques et d’histoire de l’art à Paris I, ainsi qu’une licence de théâtre à Paris VIII. Cette dernière lui donne l’occasion de travailler avec Peter Brook et le Living Théâtre groupes d’avant-gardes ouverts aux cultures dites extra-européennes avec lesquelles elle explorera un travail inédit sur le corps et le geste qui marquera profondément sa démarche picturale en lui donnant les moyens de créer son propre style.
Est-ce un hasard si, déjà dans les années 1960, le living théâtre était de passage à Essaouira, là où Najia Mehadji a installé depuis déjà quelques années son atelier marocain ?
Effectivement, dans sa démarche picturale, elle épure ses supports, les polit, comme pour en faire un miroir du cœur avant d’y déposer son geste qui semble ouvrir le fond de l’être et inviter le spectateur à s’y embarquer. Une danse mystique (soufie) qui transcende les langues, les discours, les idéologies et invite à la méditation, à la délectation et à la découverte de soi.