À compter du XVIIIème siècle, l’art et la pensée occidentale s’amourachent de l’Orient. L’orientalisme est né. De ce Moyen-Orient fantasmé et reconstruit de zéro à la sauce européenne, le Maroc et tout le Maghreb en sont, au XIXème siècle, la porte et la fenêtre d’entrée.
Des savants de tout acabit vont commencer à battre le terrain marocain plume et carnet à la main. Ils découvrent dès lors la richesse anthropologique d’une oralité millénaire qui raconte l’univers à sa manière. Il était une fois la comptabilisation des contes… Si l’orientalisme classique est généralement l’apanage de philosophes, ce n’est plus déjà plus le cas à la fin du XVIIIème siècle. L’Expédition d’Egypte de Napoléon Bonaparte, en 1798, révèle nombre d’arabisants et d’orientalistes maîtrisant les langues sémitiques, dont l’arabe et l’hébreu, ses deux principaux parlers. Trois ans avant l’aventure napoléonienne, un temps fort, celui de la création de l’Ecole des langues orientales, en 1795 donc. La langue arabe mettra tout de même un siècle pour intégrer le curriculum des universités françaises. Elle intègre cependant, dès le mitan du XIXème siècle, des institutions prestigieuses telles que le Collège de France ou l’Ecole des Hautes Etudes à Paris. Justement, le XIXème siècle est pour la France une période d’expansion. En à peine un demi-siècle, Paris met la main sur Al Maghreb al-Awsat, puis l’ancienne Ifriqiya, la Tunisie actuelle. Le tour de l’Empire chérifien viendra en 1912. Nous ne le savons qu’assez. Afin de mieux maîtriser les corps, il faut passer par les esprits. Formulé autrement, l’impérialisme a besoin de savoir comment les peuples soumis pensent, réagissent, croient, etc. Pour ce faire, les sciences coloniales, épaisse bouillabaisse d’histoire, de géographie, de linguistique, d’anthropologie, de sociologie, de théologie, d’ethnographie va copieusement s’appuyer sur l’orientalisme érudit. Cette méthode de domination à la fois physique et intellectuelle atteint son apogée au seuil de XXème siècle. C’est du coup dans l’Empire chérifien qu’elle s’épanouit dans tout son éclat.
Par Farid Bahri
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