On l’oublie, mais c’est bien sous les Wattassides que l’art du zajal, transfiguré en malhoun, a connu une large diffusion à partir du foyer originel de Tafilalet. Retour sur une ère où, derrière les guerres, les tensions politiques et le morcellement du territoire, la société marocaine a su malgré tout faire la part belle au chant et à la musique.
Il est généralement admis que les Almohades étaient adeptes d’un certain rigorisme religieux, les poussant à bannir ou à combattre les plaisirs de la vie quotidienne, à commencer par la musique. Avant la création de l’État almohade, Ibn Toumert, à son arrivée à Fès, cassait en effet des instruments de musique. Cette image relève quasiment du stéréotype. Pourtant, cette orientation officielle des Almohades n’a pas empêché le développement de la musique au Maroc, notamment depuis l’arrivée par vagues des tribus Banou Hilal, déportées par le calife almohade Yacoub al-Mansour des terres d’Ifikiya (actuelle Tunisie) vers le Maroc, installées majoritairement dans les plaines atlantiques et transportant avec eux leurs différentes cultures musicales. Le combat de l’État almohade contre la musique, bien apparent en société, s’arrêtait en fait aux portes des palais, où les choses étaient bien différentes. Les califes aimaient et encourageait, en effet, le tawshih (l’art de composer des muwashahates), ainsi que le zajal, et ce depuis l’époque du premier calife, Abdelmoumen. Cette tradition sera perpétuée au fil des siècles, y compris sous l’ère Wattasside. Né en al-Andalus, le zajal s’est vite répandu dans les terres du Maghreb al-Aqsa, au point que les Marocains dépassèrent les Andalous dans ce domaine, comme l’a notifié Ibn Khaldoun en son temps. La «fièvre» du zajal a commencé sous les Almohades, mais elle a pris un tour plus spectaculaire plus tard, sous les Mérinides et les Wattassides. Il a fini par être appelé «leklam» (littéralement les paroles, ou les mots), et plus tard le malhoun (le «composé», dérivé du «lahn», qui signifie composition musicale), car il est chanté avant tout.
Par Mohammed Yassir El Hilali
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