Au XVIIe siècle, alors que la lutte d’influence religieuse fait rage autour du bassin méditerranéen, la chrétienté frappe un grand coup. Un prince marocain est capturé et décide de se convertir. Comment Mohammed El Attaz est-il devenu Balthazar de Loyola ?
Le 16 septembre 1667 est un jour de deuil à Madrid. Une immense foule accompagne le cortège funèbre sur la route qui mène de l’Église du Collège Impérial de la Compagnie de Jésus au cimetière. La cour, les notables, le clergé et les simples citadins espagnols accompagnent Balthazar Mendez de Loyola dans sa dernière demeure. Il est mort à l’âge de 36 ans à peine. Les habitants de la capitale espagnole pleurent autant l’homme que le symbole. Car pour eux, Balthazar incarne la supériorité du christianisme face à l’islam.
Né Moulay Mohammed El Attaz en 1631 à Fès, ce Marocain au sang royal subit au cours de sa vie ce que l’on appelle une double conversion. D’abord capturé par des chrétiens au large de la Méditerranée, il se convertit alors que la rançon de sa libération est payée. Sûr de sa nouvelle foi, El Attaz, devenu entre temps Balthazar de Loyola, se lance ensuite dans l’entreprise messianique. Il arpente les ports de l’Italie pour tenter de convertir les captifs «maures» retenus dans les geôles des armées chrétiennes. En termes de propagande, les notables chrétiens ne peuvent rêver d’un meilleur récit. Un prince musulman, pieux et sage, a choisi de rallier la cause de Jésus Christ. L’histoire de cette incroyable conversion foisonne dans la littérature occidentale. Écrits d’historiens, d’ecclésiastiques et même pièces de théâtre, tous les genres se sont emparés de l’histoire de Balthazar. L’objectif est de faire du Marocain une figure religieuse marquante de son temps. Une preuve du bien fondée de la lutte que mènent les chrétiens contre les infidèles «mahométans».
Par Sami Lakmahri
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