La courte parenthèse démocratique au lendemain de l’Indépendance est très tôt refermée par Mohammed V, puis Hassan II. Les années qui suivent sont celles d’élections de complaisance, marquées par la domination de la monarchie.
Une fois l’indépendance obtenue, se pose au Maroc, du moins parmi l’élite citadine, la question centrale de savoir qui sera, à moyen terme, le dépositaire de la souveraineté dans le royaume. Si la question est rapidement résolue en Tunisie par l’élection d’une constituante et l’abolition de la monarchie dès juillet 1957, la situation au Maroc est plus problématique. Deux faits socio-historiques font de la monarchie, à cette époque, une force incontournable. D’abord, la société marocaine est beaucoup plus traditionnelle qu’en Tunisie, ayant été soumise moins longtemps au système colonial. Mieux, Lyautey, le père fondateur du Maroc colonial, a tout mis en œuvre pour préserver, sinon renforcer l’establishment monarchique traditionnel. S’ajoute à cela l’engagement patriotique de Mohammed V dès les années 1940, qui en a fait l’un des leaders les plus importants du nationalisme maghrébin. Dans sa conception moderne, l’institution électorale est largement méconnue au Maroc au moment où il accède à l’indépendance. La Weltanschauung1 politique moderne souffre alors d’une carence qui en fait un être social fragile et peu assuré : elle manque de l’épaisseur culturelle nécessaire à son enracinement dans les mœurs et les mentalités. D’ailleurs, si l’on excepte quelques communistes, l’élite, quelle que soit sa couleuridéologique, tente, par réalisme ou par conviction, de justifier ses options (assemblée constituante élue par le peuple, roi constituant ou position intermédiaire) par la tradition nationale et l’islam. Certains ont partiellement recouru à ces sources de légitimation traditionnelles, comme l’UNFP et l’Istiqlal. D’autres de façon quasi exclusive, tel le Mouvement populaire.
Par Maâti Monjib
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