Depuis 1962, il semble que ce n’est jamais le bon moment de refonder la constitution en profondeur. Stratégies du palais, agendas des élites politiques, tout a contribué à cet immobilisme.
La première constitution du Maroc indépendant ne date pas de son indépendance… elle n’a été promulguée que le 14 décembre 1962. Depuis 1956, le palais a consolidé sa position dominante issue du contexte de l’Indépendance, en s’attachant à tirer profit des contradictions des partis du mouvement national, notamment de l’Istiqlal. Ainsi le premier texte constitutionnel du Maroc indépendant consacre la suprématie politique du trône et instaure un régime de sultanat constitutionnel, dans lequel le roi règne et gouverne. Cette constitution n’est entrée véritablement en vigueur que le 18 novembre 1963, avec l’ouverture de la première session du parlement, élu la même année.
De l’état d’exception à la Koutla
La majorité est vite paralysée par l’action des deux grands partis de l’époque, l’Istiqlal et l’UNFP. En 1965, devant l’impossibilité de constituer un gouvernement d’union nationale, et pour sortir de l’impasse, Hassan II recourt à l’article 35 de la constitution et proclame l’état d’exception. Pendant cinq ans, le roi va gouverner sans les partis, assisté de ses conseillers et appuyé sur un vaste réseau d’élites locales.
La promulgation de la nouvelle constitution le 31 juillet 1970 met officiellement fin à cet état d’exception. Mais en fait le « régime de pouvoir de crise » s’est prolongé au-delà de cette date, sur de nouvelles bases. La constitution de 1970 consacre l’élimination des partis politiques et donne une façade parlementaire à l’absolutisme. La puissance de la monarchie est à son apogée et les partis de l’opposition ne sont plus susceptibles de la contrarier. Ainsi le palais semble avoir réussi à neutraliser définitivement les partis issus du mouvement national, désormais coupés des masses et privés de nombre de leurs militants par des mesures répressives. Mais les effets d’usure de l’exercice direct du pouvoir vont bientôt se faire ressentir: la mise à l’écart des partis politiques entraîne une extension du rôle de l’armée, qui va se traduire par une tentative de coup en juillet 1971. Le roi sera forcé à l’ouverture en direction de l’UNFP et de l’Istiqlal.
Par Mohammed Madani
Lire la suite de l’article dans Zamane N°6