Le débat sur le rôle véritable du sultan envers ses sujets de confession juive au début de la guerre de 39-45 n’est pas définitivement clos. Certains assurent que le futur Mohammed V ne s’est pas érigé comme le défenseur intransigeant des juifs marocains face à la politique antisémite imposée par les Nazis à travers les autorités de Vichy. Ainsi, la légende du sultan protecteur des israélites n’aurait été bâtie que plus tard. D’autres, en revanche, soutiennent que l’action du monarque était d’une grande bravoure et a permis de minimiser l’impact des mesures racistes des collaborateurs du nazisme. L’historien Haïm Zafrani est de ceux-là. Dans son ouvrage Deux mille ans de vie juive au Maroc: histoire et culture, religion et magie, il affirme avoir mis la main sur un document crucial, déniché dans les archives du Quai d’Orsay à Paris en 1985. Il s’agit d’un télégramme envoyé par un agent de Vichy relatant l’attitude de Mohammed Ben Youssef durant cette période trouble. Le message date du 24 mai 1941 et s’intitule «Dissidence». Le voici ci-après en intégralité :
«Nous apprenons de source sûre que les rapports entre le Sultan du Maroc et les autorités françaises se sont sensiblement tendus depuis le jour où la résidence appliqua le décret sur les ‘mesures contre les juifs’, en dépit de l’opposition formelle du Sultan. Le sultan s’était refusé à faire de différence entre ses sujets, tous, disait-il ‘loyaux’. Vexé de voire son autorité bafouée par les autorités françaises, le sultan décidé de montrer publiquement qu’il désavouait les mesures contre les Juifs ; il attendit la fête du trône pour le faire. A l’occasion de cette fête, le sultan a l’habitude d’offrir un grand baquet auquel assistent les officiels français et les personnalités éminentes du monde indigène. Pour la première fois, le sultan invita au banquet les représentants de la communauté israélite qu’il plaça ostensiblement aux meilleures places, voisins immédiats des officiels français. Le sultan avait tenu à présenter lui-même les personnalités israélites présentes. Les officiels français ayant montré leur étonnement de la présence d’israélites à cette réunion, le sultan déclara ‘Je n’approuve nullement les nouvelles lois antisémites et je refuse de m’associer à une mesure que je désapprouve. Je tiens à vous informer, que, comme par le passé, les israélites restent sous ma protection, et refuse qu’aucune distinction soit faite entre mes sujets’. Cette sensationnelle déclaration a été vivement commentée par toute la population française et indigène».
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