Les civilisations s’apparentent à des couches géologiques qui reposent sur un substratum. Selon l’académicien Mohamed Chafik, la langue amazighe, et partant sa culture, sont le substrat de la culture marocaine sur lequel se sont greffés d’autres apports : le phénicien, le latin, l’arabe, ultérieurement le français et l’espagnol.
Des fois, il arrive qu’une langue, forte de son assise idéologique ou de son rayonnement, supplante la langue première. C’est le cas de l’Egypte qui a changé par plusieurs fois sa langue première. À défaut, la langue première habite la langue dominante à travers le phénomène de l’acculturation, par des rémanences lexicales, mais surtout au niveau de la syntaxe. C’est le cas de l’amazigh qui habite la darija. Celle-ci est l’expression d’une créolisation qui atteste de la rémanence du fond amazigh. Or, ce fond, n’est pas que lexical. Une langue ne peut pas être réduite à son lexique, mais à la disposition de la phrase, ou la syntaxe qui est l’expression de son génie et du génie de ses locuteurs. Il faut bien sûr se situer en dehors de tout déterminant idéologique, même paré de faux académisme. Le génie amazigh n’est pas exclusif aux locuteurs de la langue amazighe. Il habite autant la langue darija que la structure mentale du Marocain. L’Arabe du Moyen-Orient a du mal, d’ailleurs, à comprendre le Marocain du cru, si celui-ci ne fait pas l’effort de bifurquer vers la langue médiane.
Arrêtons-nous sur le vif, sur ce substrat qui nous édifie sur nous-mêmes.
Par Hasan Aourid
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