Mandaté à Paris par le sultan Moulay Abdelaziz, Mohammed El Hajwi pousse le chemin jusqu’à Londres. Son observation des deux capitales européennes et des valeurs occidentales vont durablement marquer l’idéologie de ce futur grand vizir à l’instruction publique.
C’est sur ordre du sultan Moulay Youssef que Mohammed El Hajwi se rend en France, l’été 1919, pour assister aux festivités du 14 juillet. L’homme, contrairement à d’autres émissaires chérifiens de la fin du siècle dernier, est issu d’un milieu ouvert où circulent des idées réformistes. A priori, le voyage en terre chrétienne ne semble pas le désobliger. La preuve, lorsqu’au bout d’une vingtaine de jours la mission officielle pour laquelle il était mandaté prend fin, El Hajwi décide d’aller visiter l’Angleterre. Ce pays dans lequel son propre père s’était rendu plus d’une fois l’attire pour toutes les «merveilles» qu’il recèle.
La curiosité du voyageur n’aura d’égal que sa volonté de tout partager avec ses compatriotes. D’ailleurs, sa rihla, Ar-rihla al-ûrûbbiyya, est sans doute l’une des premières relations du genre à avoir été écrite pour être publiée. «Louanges, y dit-il, à Celui qui a ordonné qu’on marche et qu’on observe les royaumes terrestres et l’état des êtres humains, dans les campagnes et dans les villes, au passé et au présent, pour que cela soit un enseignement pour ceux qui méditent». L’auteur désigne explicitement, quelques lignes plus bas, la classe des alims. Son récit de voyage, nous dit-il, ne pourrait manquer d’intérêt pour ceux d’entre eux qui ne se sont jamais rendus en Europe et qui en brossent une image erronée.
Fasciné par la technologie
A une époque où les faqihs ont la mainmise sur l’opinion publique, El Hajwi entend dépasser la logique théologique traditionnelle qui faisait peser la menace de l’hérésie (bid‘a) sur toutes les inventions technologiques. Aussi ne cache-t-il point dans sa rihla toute l’admiration que lui inspirent ces machines et ces appareils, œuvre de l’intelligence de l’homme et fruit de sa créativité. Le télégraphe, par exemple, a tout pour subjuguer le voyageur marocain. «Cette machine, déclare t-il, -je le jure- est la plus merveilleuse des merveilles et si je n’avais vu qu’elle en Angleterre, cela aurait été suffisant à mes yeux […]. Elle permet à l’homme d’avoir les nouvelles du monde sans quitter son hôtel ni avoir à envoyer un émissaire».
Par Saloua El Oufir
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