Retour sur l’histoire, la grande et surtout la petite, d’un film remarquable à l’affiche génialement transgressive. Rappelez-vous, c’était en 1978 : Alyam Alyam.
Fermez les yeux : un jeune homme rêve d’émigrer en Europe, sa mère s’y oppose, arrivera-t-elle à le convaincre ? Ouvrez les yeux : nous ne sommes pas en 2016 mais en 1978. Le Hrig n’existe pas encore, pas vraiment, c’est un phénomène marginal dont personne ne parle. Au cinéma, comme en sociologie, la seule émigration qui fait l’actualité est celle de la campagne à la ville. Elle est légale et massive. On l’appelait l’exode rural, le thème le plus galvaudé dans la société marocaine des années soixante-dix. En 1978, donc, Ahmed El Maanouni est un chef opérateur de 34 ans qui vient de faire la photo, très soignée, d’un premier film remarqué : «Une brèche dans le mur» de Jilali Ferhati. Ahmed est un enfant du quartier des pauvres, Derb Soltane, Casablanca. Il appartient, comme il le rappelle entre amis, à cette génération de Marocains qui ont grandi en mangeant de la viande une fois par semaine, pas plus. Il a la chance d’atterrir dans la France des seventies, qui se réveille enfin à sa main d’œuvre maghrébine, essentiellement issue du monde rural, pauvre et analphabète. A Paris, le milieu universitaire mais aussi intellectuel découvre cette immigration longtemps ignorée, ces cœurs solitaires et ces plantes déracinées, entre autres à travers les travaux du jeune et prometteur Tahar Ben Jelloun («La plus haute des solitudes », 1977).
Par Karim Boukhari
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