Dans l’histoire moderne du Maroc, le discours de Mohammed V à Tanger en 1947 représente un tournant majeur : le début de la fin du protectorat. Lever de rideau sur l’organisation d’un discours, mais aussi d’un voyage historique de Mohammed Ben Youssef dans la ville du détroit.
Si l’événement a eu lieu le 10 avril 1947, le sultan Mohammed Ben Youssef a bataillé bec et ongles pour effectuer un voyage officiel à Tanger dès la fin de la Seconde guerre mondiale. Face à son insistance, les Français ont quasiment opté pour la politique de la terre brûlée, tandis que les Espagnols ont joué aux équilibristes. “C’est là à Tanger que s’est joué le sort de cette manière d’alternative : évolution ou contraction. C’est là que les sources aveugles d’immobilité et de coercition l’ont emporté sur celles d’ouverture, d’évolution et de mouvement. Dès lors, les dés étaient jetés. Comprimée et scellée par la force, la marmite devait sauter, fatalement, irrémédiablement”. C’est avec ces mots qu’Eirik Labonne, Résident général au Maroc du 2 mars 1946 au 14 mai 1947, décrit le fameux discours de Tanger donné par le sultan Mohammed Ben Youssef, dix ans après l’évènement. Un événement semblable à une “catastrophe”, voire une “calamité” selon Labonne, qui lui a coûté son poste d’abord mais, surtout, qui a précipité la marche vers l’indépendance du royaume. Ce tournant majeur dans l’histoire du Maroc n’a pourtant pas grand-chose à voir avec le hasard ou la destinée: il doit tout à la détermination sans faille du sultan et du Mouvement nationaliste, à l’aveuglement et la hargne des Français, et au savant jeu d’équilibriste des Espagnols, entre autres.
Par Nina Kozlowski
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