«L’ennemi est devant vous, la mer est derrière vous…», Qui n’a jamais entendu la fameuse exhortation attribuée à Tarik Bnou Ziad juste avant de remporter la première bataille décisive d’Al-Andalus ? Pourtant, ce monument de notre mémoire collective n’a peut-être jamais existé.
Tarik Bnou Ziad est l’une des grandes figures de l’imaginaire collectif maghrébin et amazigh. Contrairement à la Kahina et à Kousseila, il est la synthèse positive de l’amazighité et de l’arabité. Le fameux discours qui enflamma les troupes arabo-berbères avant la bataille contre les Wisigoths en est la plus belle illustration, marquant le début de l’épopée musulmane en Andalousie. Ainsi, ce qui fait la singularité de Tarik Bnou Ziad parmi les nombreux héros de l’histoire officielle musulmane, ne réside pas seulement dans l’éclat de sa victoire sur le redoutable chef goth Rodric, mais surtout, dans la fascination qu’exerce encore le discours qu’il aurait prononcé à cette occasion. Le personnage et le discours sont ainsi liés à jamais, et leur évocation n’est pas seulement l’affaire des chroniqueurs et des historiens, mais aussi des littérateurs et des linguistes. Depuis le développement de l’école moderne, le discours de Tarik peuple la majorité des livres scolaires du monde arabe. Au Maghreb, les élèves étaient même sommés de l’apprendre par cœur, identité oblige !
Rhétorique arabe
Pourtant, la véracité du discours de Tarik est sujette à caution. Si les faits historiques attestés par la critique scientifique soulignent bien la réalité du personnage et de la guerre qu’il a livrée aux Wisigoths après la traversée du détroit, le discours n’est mentionné pour la première fois par les chroniqueurs qu’un siècle et demi après la bataille. Dans un manuscrit intitulé Histoire de la création du monde, Abdelmalek Ben Habib (mort en 852) est le premier à citer quelques extraits du discours attribué à Tarik. Et il faudra attendre 1282 pour qu’Ibn Khallakan en restitue le texte intégral. Par la suite, El Maquri reprendra lui aussi le discours. Et depuis, c’est à cette dernière version que tout le monde (chroniqueurs et historiens) se réfère.
Ainsi, le contexte de la conquête de l’Espagne par les troupes de Tarik Bnou Ziad est connu : la bataille où le fameux discours aurait été prononcé a bien eu lieu en Espagne, en l’an 711 de l’ère chrétienne. Au niveau du déroulement des événements, les chroniqueurs véhiculent pourtant deux récits : le premier place le discours au début de l’affrontement, il est l’exhortation donnant le signal du début de la bataille. Le second parle de trois jours de combats épuisants, au terme desquels aucun belligérant n’a encore remporté la bataille. Le discours arrive donc pour remobiliser les troupes avant le grand combat final.
Dans un premier temps, Tarik Bnou Ziad mobilise le rationnel, il fait état du déséquilibre matériel entre les deux armées. Les Wisigoths, dit-il, sont bien équipés et bien approvisionnés contrairement aux musulmans qui n’ont que la force de leur foi et de leurs sabres. Tarik exhorte ses hommes à prendre leur courage à deux mains, à ne pas craindre la mort, et à vaincre rapidement. A défaut de quoi, ils ne récolteraient que débandade, massacre et honte éternelle. Bien entendu Tarik précise dans cette partie qu’il sera le premier à attaquer et, peut être, à mourir les armes à la main.
Sus à l’ennemi !
Dans la seconde partie de son discours, Tarik Bnou Ziad veut susciter l’émotion. En plus de la valorisation des qualités de courage, d’abnégation de soi, de bravoure, et de participation au Jihad, il met l’accent sur les gains en cas de victoire. Il fait miroiter non seulement le butin matériel, mais aussi les belles femmes, les châteaux, la douceur de vie, qui sera bien entendu couronnée par la vie éternelle au paradis céleste. Enfin, dans un troisième temps, Tarik explique sa stratégie militaire à ses soldats. Il analyse l’armée adverse, et souligne que sa force réside dans la qualité de son chef Rodric. Aussi Tarik élabore-t-il sa stratégie en comptant sur l’anéantissement du chef ennemi, une mission qu’il s’attribue personnellement. Tarik Bnou Ziad annonce que, dès que la bataille sera engagée, il se dirigera en premier vers le chef des goths. S’il parvient à le tuer la bataille se terminera en faveur des musulmans. Si, au contraire, c’est Tarik qui est tué, alors il faudra redoubler de courage pour éliminer Rodric. « L’armée de l’ennemi ne tiendra pas après la perte de son chef, quant à vous, vous trouverez toujours parmi vous celui qui me remplacera et vous guidera vers la victoire », explique Tarik à ses soldats.
Le texte du discours de Tarik Bnou Ziad, du moins celui transcrit à la fin du XIIIe siècle, a traversé le temps sans perdre ni sa beauté littéraire ni sa force de commandement et de conviction. Ce faisant il a participé à l’élaboration du mythe de Tarik Bnou Ziad, qui occulte souvent la réalité historique du personnage. Devant la rareté des sources historiques fiables, et la grande distance entre les faits réels et les récits construits après coup, les historiens mettent en relief deux ensembles de remarques. Une première série d’éléments alimente la théorie suspicieuse selon laquelle le discours n’a jamais été prononcé, en tout cas pas sous cette forme. Ainsi, dans la plupart des récits historiques, on ne trouve trace que de la bataille. Aucune indication quant au discours.
Les éléments d’un doute
Ce dernier n’apparaîtra que quelques siècles plus tard. Ensuite c’est le texte lui même qui pose problème, et cela à deux niveaux. Premièrement un texte de cette valeur ne peut être produit que par quelqu’un qui a une maîtrise de la plume, or c’est le seul texte attribué à Tarik. Où sont ses autres écrits ?! Deuxièmement la structure rhétorique et sémantique du texte du discours contraste étrangement avec la production littéraire de l’époque, où la rythmique et les embellissements du style, avec leurs lots de formules et de lieux communs, meublent les textes. De plus, la structure du texte en question brille par sa rationalité ficelée, ainsi que par l’absence de citations coraniques et autres artifices de l’époque. Enfin le doute est possible quant à la capacité de Tarik à produire un tel discours. Tarik Bnou Ziad n’est-il pas amazigh ? Certains avancent qu’il se serait converti à l’Islam en 707 de l’ère chrétienne, c’est-à-dire quatre ans avant la bataille d’Espagne. Certes, il a été nommé gouverneur de Tanger par Moussa Bnou Noussair, mais de là à apprendre l’arabe et devenir un maître de la plume, il y a un long chemin qui alimente le doute.
En outre, la fameuse phrase qui ouvre l’exhortation (« Messieurs, l’ennemi est devant vous, et la mer est derrière vous… Vous n’avez le choix qu’entre vaincre ou mourir »), et qui d’après les chroniqueurs fait allusion à un acte de Tarik avant le discours, celui d’avoir brûlé les vaisseaux qui ont permis la traversée du détroit, rappelle étrangement d’autres récits de batailles, surtout antiques, où le chef de guerre brûle ses vaisseaux et prononce un discours où il ne laisse à ses troupes que le choix de gagner la guerre ou de mourir. Le discours de Tarik ne serait-il pas une parabole qu’on évoque dans les récits épiques, mais sans aucune valeur historique, hormis la glorification du chef et de son armée ? Cette supposition est corroborée par un fait réel : les vaisseaux qui ont permis la traversée n’étaient pas la propriété de Tarik, mais celle du gouverneur Jullien de Ceuta, en désaccord avec Rodric, qui les avait prêtés à Bnou Ziad.
Les historiens qui penchent pour la véracité du discours de Tarik Bnou Ziad mobilisent en premier lieu les données biographiques. Son nom, d’abord, est un triptyque formé de trois prénoms arabes : Tarik Bnou Ziad Bnou Abdellah. Son grand père et son père étaient-ils donc déjà musulmans ? Certains historiens affirment que le grand père de Tarik, résistant amazigh à la première campagne musulmane au Maghreb, a été capturé et emmené en Orient arabe avec son fils. On avance que c’est pendant cet exil qu’il s’est converti à l’Islam prenant les prénoms d’Abdellah pour lui-même et Ziad pour son fils. Ainsi, Tarik, né vers 640, dans un environnement arabo-musulman, ne serait revenu au Maghreb qu’au début du VIIIe siècle parmi les troupes de Moussa Bnou Noussair, grand chef arabe dont il aurait été l’un des plus fidèles lieutenant. Avec le double avantage d’être un Amazigh d’origine et un Arabe musulman de culture, tout le désigne pour être le médiateur idéal entre Orient et Maghreb, pour effacer le souvenir sanglant de Ouqba/Kousseila, et pour mener les troupes amazighes vers la conquête et l’islamisation de l’Espagne.
Un cas d’école
Le discours de Tarik Bnou Ziad est un cas d’école dans les annales de l’histoire politique et littéraire. Quelle place leur accorder au personnage et à son discours et quel sens leur attribuer ? Ont-ils une signification historique ou juste une valeur littéraire ? Le cas du discours de Tarik est loin d’être unique. Souvent l’historien est confronté à la rareté des sources. Par exemple, les discours attribués aux chefs de guerre grecs, qui nous sont parvenus depuis l’Antiquité, ne sont authentifiés que par la plume de Thucydide, auteur de La guerre du Péloponnèse. Quant aux atrocités de l’empereur romain Néron, elles n’ont laissé trace dans l’Histoire que par la plume ravageuse du grand écrivain Tacite.
Concernant le discours de Tarik Bnou Ziad, la parade n’aurait-elle pas été trouvée par Abbas El Jirari qui, dans sa somme sur La littérature marocaine affirme que Tarik n’aurait pas écrit le texte, mais que des Arabes parmi ses soldats l’auraient fait pour lui ! Peut-être le meilleur moyen de relégitimer l’acte d’un héros et de ne pas verser dans la suspicion nihiliste.
Par Lotfi Bouchentouf
Le vrai/faux discours de Tarik Bnou Ziad
Tarik
est juste une legende, il ne pourrait avoir existé un Tarik berbere.
Deja son nom n’est pas berbere, mais un nom vandal qui devrait s’ecrire
Taric avec un C petit fils d’Aleric.
De plus en 711 il ne y’avait
aucune religion musulmane, ce n’est que deux siecles plus tard qu’elle
vois le jour. Et aussi en 711, ce n’est pas une invasion venant du nord
qui a chamboulé l’Espagne, mais un coup d’Etat entre espagnoles eux
memes. C’est le conflit entre les arianistes et les juifs d’un cote, et
les catholique de l’autre cote. Cette histoire de Taric a ete trouve deux
siecles plus tard. Il est né par un enchantement et a disparu par un
autre enchantement du ni vu ni connu
En 711 il n’y avait pas d’Islam??!! Vous êtes sérieux??!
L’islam aura bientôt 15 siecles ,j’espere vous etes plus brillant en calcul qu’en histoire .
Non, il ne y’avait aucun islam, aucun coran trouve datant de cette eopque. Il ne y’a que les dires des mythomanes arabes qui disent il y’avait le coran.
Encore un utopie des créateurs de la dite écriture Amazigh. Pas d’islam mais une entité berbère qu’on nous sert . Les arabes, l’islam vu comme une intrusion dans la belle organisation étatique de l’époque qu’ on prétend. Mais arrêtons là la polémique. Si vous êtes historien, faites nous article scientifique convainquant.
Non, c’est a vous de nous apporter les preuve de votre islam du 6 emme siecle. Vous en etes incapable,. Les premiers textes de l’islam c’est la biographie du soit disant prophete ecrite 120 apres les faits supposes ayant existé. Votre islam s’est ecrit dans une periode qui va de plus de deux siecles. en meme temps que les hadith…
711 de l’hegir, c’est à dire, plus environ 620 ans.
J’adore lire les propos des sans identité propre : jamais arabes (niés par les arabes de souches même) et plus du tout autochtones amazighs car s’excluont de fait !!!
Si nous sommes dans le sérieux, n’est-il pas plutôt allé chercher la fille du Comte Julien, gouverneur de Byzance à Sebta. Invitée par Rodrigue et ayant voyagée avec l’accord de son père, elle fut retenue contre son gré dans ses palais, d’où le courroux du Comte qui sollicita Tarik. Celui-ci aurait été aidé par une coalition menée par Witiza, un Roi déchu par les familles importantes du Royaume wisigoth de la péninsule ibérique : elles ont préféré élire à sa place Rodrigue, puisque cette monarchie était élective. Tout ce monde a disparu dès les premières manoeuvres de la conquête : Rodrigue, Witiza, le Comte Julien, sa fille et même Tarik, dont l’aura fut effacée en Orient par Moussa Ibnou Nouçair ! –Ennahdi