Le Maroc et ses témoins de l’époque 1956-1957 gardent du commissariat du 7ème arrondissement de Derb Soltane à Casablanca l’image d’un sinistre lieu où s’exécutaient les basses besognes. Retour sur les lieux d’un monument de la torture au Maroc.
«J’ai été traîné vers les cellules de torture : il pleuvait sur mon corps des gifles, des coups de pied et un torrent d’injures. Le groupe m’arracha brutalement mes habits, m’allongea sur une longue planche. Ils m’attachèrent les mains et les pieds, me plongèrent la tête dans un baril d’eau usée jusqu’à l’asphyxie et me soumirent à des séances de torture à l’électricité et à des passages à tabac ininterrompus (…). Après chaque interrogatoire où je niais toute participation à l’assassinat de Roudani et de Ziraoui, les coups pleuvaient et le cérémonial de torture reprenait (…). Le 13 août 1956, un groupe de camarades du PDI (Parti démocratique de l’indépendance) est amené au sinistre commissariat du 7ème arrondissement. Parmi eux, les frères Meknassis : Ahmed, Mahjoub, et Mohammed. On les poussa avec violence dans les couloirs. Ils étaient dans un état de choc extrême. Je n’oublierai jamais l’angoisse et la terreur qui les enserraient en nous découvrant maculés de sang et puant de nos blessures infectées (…). Avec l’arrivée des nouveaux dans notre réduit, tout le monde a été soumis à la violence déchaînée des geôliers. Personne n’a été épargné, malade ou blessé, surtout les frères Meknassis. Le cadet, Ahmed, a succombé devant nous. Son corps n’a pas pu supporter une violence aussi sauvage. Avant qu’une hémorragie interne ne mette fin à ses jours, j’ai pu l’aider à prononcer Achahada et à recueillir ses dernières volontés : prendre soin de sa famille et de sa fille qui était encore un bébé. Il a rendu l’âme en présence du directeur régional de la sûreté nationale ».
Par Mostafa Bouaziz
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