Il y eut des Arabes pour soutenir et collaborer avec l’Allemagne hitlérienne. Il y en eut d’autres pour s’y opposer et dénoncer l’antisémitisme nazi.
Dans son livre, Les Arabes et la Shoah, Gilbert Achcar commence par tordre le cou à l’idée reçue selon laquelle il y aurait eu, sur le nazisme et l’antisémitisme, unanimité chez les Arabes. Comme si ceux-ci constituaient une entité monolithique, répugnant par essence à la pluralité des points de vue. Or, bien évidemment, comme toutes les sociétés humaines, les sociétés arabes étaient alors traversées par divers courants idéologiques et politiques. A cette époque tout particulièrement, car le contexte national et international de l’entre-deux-guerres et de la période suivante, poussait à prendre position, engendrant du même coup des clivages dans l’opinion et les partis politiques. Gilbert Achcar dresse une typologie de ces différents courants, en s’attachant surtout à ceux de l’Orient arabe. Selon lui, quatre principales sensibilités se dégagent : les «occidentalistes libéraux», les marxistes, les nationalistes et les panislamistes intégristes et réactionnaires. Nous suivrons son analyse dans la présentation que nous faisons ici.
Les occidentalistes libéraux
Parmi eux, plusieurs réformistes musulmans avaient l’Occident et les valeurs issues des Lumières pour référence, sans pour autant renier leur culture propre. Opposés au nazisme, ils n’en furent pas moins hostiles au sionisme. En Egypte, ils s’exprimaient dans des revues de haute tenue intellectuelle, telles que l’hebdomadaire Al Risâla, créé en 1933. On y lisait des textes signés Ahmad Amin, Al Aqqad, Taha Hussein, Tewfiq Al Hakim et autres représentants majeurs de l’humanisme progressiste arabo-musulman de l’époque. L’historien israélien Israël Gershoni note que cette revue publia régulièrement, entre 1933 et 1939, des critiques extrêmement sévères sur l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Toutes ces publications soutenaient la démocratie libérale et rejetaient les régimes totalitaires. Un rejet partagé par les cercles intellectuels comme par les professions libérales et les classes moyennes et populaires urbaines un tant soit peu instruites. Ce qui fait dire à un autre historien israélien, Ami Ayalon : «Les voix des champions de la démocratie étaient plus fortes que celles de ses critiques qui étaient fascinés par le Führer et le Duce».
Par la rédaction
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