Le mouvement culturel amazigh est né par réaction à un sentiment d’injustice exercée par le Makhzen. Retour sur une histoire tumultueuse.
C’est dans le piedmont de Jnane Ammas (le jardin du milieu) qui fut l’antre du héros de la résistance Moha Ou Hammou Azayane, bordé par une colline d’où jaillit l’eau impétueuse d’une source, avec en toile de fond la belle cédraie du Moyen Atlas, qu’une grave décision se préparait. Caïds et tribus, sur invitation du Caïdy N Umhroq, chef de la grande tribu des Zayanes, et à l’instigation du pacha El Glaoui, s’y sont réunis en janvier 1951 pour délibérer de la déposition du sultan Sidi Mohammed Ben Youssef. Au lendemain de l’Indépendance, un grand rassemblement se tient, pas loin de ce même lieu, en l’honneur de celui qui est désormais le roi Mohammed V, pour abjurer le souvenir de la conjuration, dans une grande plaine, au milieu de collines touffues de cèdres. Le site, Ajdir, n’a pas la même beauté de Jnane Ammas, mais il n’en est pas loin. La symbolique du lieu s’ingéniait à laver l’affront des notables berbères qui se sont soulevés contre le sultan légitime. Le 17 octobre 2001, presque un demi-siècle plus tard, intellectuels et activistes amazighs devaient se retrouver dans ce même lieu pour écouter le discours du roi Mohammed VI qui consacre la reconnaissance de la langue et la culture amazighes et annonce la création d’un institut pour la langue et la culture amazighes, connu désormais par ses initiales (IRCAM). Les invités étaientsommés, le jour de la cérémonie, de se présenter en djellaba, auquel cas les autorités y pourvoiraient. Venus en costumes, ils devaient se mettre en tenue traditionnelle. «Djellaba, oui» ont estimé les activistes, chéchia ou fez, jamais. En aparté, j’essayais de «raisonner» le maître à penser du mouvement, Mohammed Chafik, pour qu’il portât la djellaba et lui offre mon turban. Une simple concession vestimentaire, pour «les nôtres», lui dis-je, et pour cela, on a besoin du Makhzen. Chafik m’a regardé droit dans les yeux et m’asséna : «Nous n’avons pas besoin du Makhzen, c’est lui qui a besoin de nous, et de toutes les manières le Makhzen ne changera pas, mais nous, nous risquons de changer».
Par Hassan Aourid
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