le politologue et sociologue, Mohamed Tozy, nous livre sa vision de l’enseignement, suite à toutes les réformes entreprises dans le passé et celles à venir. Ou comment faire pour éviter les échecs antérieurs. Tout un chantier.
Comment vous apparaît, à grands traits, l’évolution de l’éducation islamique depuis l’indépendance ?
Il faut distinguer trois niveaux. D’abord, la socialisation religieuse qui était du ressort des pères et des oncles, notamment maternels. Elle se faisait par mimétisme et récit édifiant, générant une connaissance « moyenne » et « commune » très proche de la réalité locale et donnant lieu à une religiosité au quotidien très spontanée.
Ensuite, la formation théologique, notamment l’apprentissage du Coran qui a pu déboucher ou non sur une maîtrise de celui-ci, et donc un métier de taleb. Cette formation valorisée par la famille n’était pas destinée à tout le monde. Chaque foyer portait son choix sur un des membres de la famille pour être destiné à l’apprentissage du Coran, l’aîné dans les familles aisées, ou le cadet dans les familles qui avaient besoin de main d’œuvre pour assurer la production de l’exploitation (monde rural) ou de l’atelier (monde citadin).
Et enfin, la formation religieuse dans sa dimension idéologique a été dispensée dans les écoles libres des nationalistes. Il s’agissait de la première formulation d’un islam de combat combiné à un discours sur soi dans le cadre de la Oumma islamique à connotation politique et idéologique, qu’il soit réformiste ou conservateur.
Dans cette opération, l’Etat du Protectorat et le Makhzen étaient absents sauf lorsqu’il s’est agi de réformer la Qaraouiyine.
La réforme de l’éducation islamique semble vouloir mettre en avant un islam qui immunise contre l’extrémisme. Où se situe pour vous le fond du problème ? Où se situent les incohérences possibles entre les différents référentiels en présence ?
Un long processus d’investissement du champ religieux, que je ne peux pas décrire ici, avait permis au roi Hassan II, dès le milieu des années 1960, de s’imposer comme un acteur dominant du champ religieux. Il a commencé par décréter la prière dans les écoles au même titre que la levée des drapeaux qui était de rigueur après l’indépendance pour aboutir à la prise en main de la production théologique, en tant qu’autorité séculière légitime (c’est-à-dire comme roi) et en tant qu’imam (c’est-à-dire en tant qu’autorité religieuse suprême, source de sens dans un domaine relevant de l’exclusivité des clercs).
Propos recueillis par Abdelahad Sebti
Lire la suite de l’interview dans Zamane N° 67