Quel lien peut-il exister entre Mao Tse Toung et le Maroc ? Tout au long du XXe siècle, le Grand Timonier et sa pensée n’ont pas ignoré notre pays. Entre Abdelkrim Khattabi, Ali Yata, Ben Barka, Hassan II et Cheikh Yassine, passage en revue de la tempête maoïste au royaume.
« Les jeunes liront l’épopée de nos Volontaires comme nous avons lu l’Anabase du Grec Xénophon ou le récit de la Longue Marche de notre ami, le président Mao Tsé Toung ». Qui est donc ce Marocain qui considère le Grand Timonier chinois comme un ami ? Il s’agit en fait du roi Hassan II. Cette phrase, le monarque la prononce le 7 novembre 1975, soit le lendemain de la Marche Verte. Bien curieuse référence de la part d’un Chef d’État ouvertement allié de l’Occident capitaliste. Mais la symbolique Mao Tse Toung dépasse l’idéologie marxiste. Mao, l’homme qui a révolutionné la Chine, est une grande figure de l’histoire de l’humanité. Il est d’abord le leader d’un peuple. C’est probablement de cette stature que Hassan II se réclame en comparant les deux évènements, la Marche Verte (1975) et la Grande Marche (1934-1935). L’irruption de Mao dans l’histoire du Maroc est en réalité encore plus précoce. Dans les années 1920, c’est un Marocain qui inspire fortement la technique de lutte armée, adoptée par les forces du PCC (Parti communiste chinois). Ben Abdelkrim Khattabi permet à de jeunes révolutionnaires asiatiques, tels que Ho Chi Minh ou Mao Tse Toung, de croire qu’on peut gagner des batailles contre une armée plus puissante. Le Grand Timonier lui rend hommage. L’éclatante victoire d’Anoual (1921) est restée ainsi gravée dans sa mémoire comme un « guide pratique » de la guérilla. Plus tard, à l’ère des indépendances, Mao, alors maître de la Chine, écoute les conseils avisés de la figure mondiale du non-alignement, Mehdi Ben Barka. Afin d’assurer une existence légitime à la Tricontinentale, le leader de l’UNFP s’attaque à résoudre la brouille entre les deux géants communistes, la Chine et la Russie. Puis, c’est au tour de la révolution chinoise d’inspirer les mouvements socialistes marocains. En premier lieu, ce sont les cadres du PCM (Parti communiste marocain) qui se rendent en Chine, où ils rencontrent également Mao. À la mort de ce dernier, Ali Yata se lie même d’amitié avec son rival, mais néanmoins successeur Deng Xiao Ping. Universel, le maoïsme est devenu aussi une référence pour les mouvements révolutionnaires radicaux marocains. Ila al Amam ou encore l’organisation 23 mars y puisent des référents qui donnent sens à leur lutte contre le pouvoir. D’autres personnalités marocaines ont également invoqué l’action de Mao. Le plus surprenant reste sans aucun doute Cheikh Yassine, père fondateur et spirituel du mouvement d’Al Adl Wal Ihssane (Justice et bienfaisance). Ce sont donc plusieurs facettes politiques du Maroc qui gardent trace de Mao et de la Chine, aujourd’hui devenue superpuissance mondiale.
Par Sami Lakmahri
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