L’histoire du Maroc n’a pas toujours été un fleuve tranquille. On en connaît bien sûr les moments forts, qui sont le fait de grands souverains du passé (Ibn Tachfine, Moulay Ismaïl, etc.). Mais on connaît moins les moments faibles, comme certaines périodes de transition (inter-règnes ou inter-dynasties), dans lesquelles le pouvoir central s’est parfois recroquevillé dans et autour d’une cité-Etat, pendant que des chefs locaux, parfois des tribus ou des confréries, se retranchaient à leur tour dans des villes ou des zones organisées en fiefs autonomes et imprenables. Zamane revient sur ces périodes et ces faits peu connus, parfois oubliés, mais importants pour comprendre la continuité que représente le Maroc.
Jusqu’à récemment, évoquer le royaume des Berghouata équivaut à déclencher les passions. Symbole d’une authentique déviation de l’islam pour les uns, incarnation de la résistance amazighe contre les Arabes pour les autres, le débat sur cette entité politique, bien que dépassionné, ne permet toujours pas la compréhension du phénomène Berghouata. Victime de l’historiographie, qui a longtemps tenté de l’évincer de l’histoire, le « royaume berbère » est aussi le martyr de la recherche en histoire. Ni les documents impartiaux de l’époque, ni l’archéologie actuelle, ne permettent d’analyser en profondeur la structure politique du royaume Berghouata.
Pourtant, l’existence de ce royaume est définie dans l’espace et dans le temps. Il est établi que son instauration suit l’une des premières grandes batailles entre musulmans au Maghrib Al Aksa. En effet, l’origine du royaume découlerait de la « grande révolte berbère », déclenchée en 739 et attisée par les Kharijites, chassés d’Orient par le califat omeyyade. A cette date, un Amazigh du nom de Maysara El Madghari prend la tête d’une coalition de guerriers et chasse les autorités omeyyades installées à Tanger. Une insurrection qui éclate suite au traitement (notamment fiscal) réservé par les conquérants arabes aux populations autochtones d’Afrique du Nord. Après ce premier succès, la doctrine kharijite, particulièrement sous sa forme ibadite, s’impose naturellement dans la région.
Par Mohamed El Mansour
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