Maghreb, Afrique du Nord… Au-delà de la signification convenue d’un terme, il y a beaucoup plus : l’Histoire et ses aléas, l’idéologie et ses présupposés qui façonnent durablement les représentations. Il sera question ici d’un espace dont l’appellation a varié au fil du temps et qu’il n’est pas aisé de nommer aujourd’hui encore.
Dans son introduction à L’Histoire du Maghreb, Abdallah Laroui admet qu’il n’a retenu le mot «Maghreb» que faute de mieux, ne trouvant pas de terme vraiment satisfaisant pour désigner l’objet de son étude. Avant lui, Charles-André Julien s’est heurté à la même difficulté. Il a finalement opté pour «Afrique du Nord». Mais ces deux vocables ne sont que les derniers d’une longue liste. Dans l’Antiquité romaine, on désigne par «Africa» les provinces de Rome situées dans le Nord de l’Afrique, à savoir celles qui allaient, d’est en ouest, de la Tripolitaine (en Libye actuelle) jusqu’à la Maurétanie Tingitane (Nord du Maroc contemporain).
Barbaresque et Barbarie
A partir du XVIe siècle environ, le terme français «barbaresque» apparaît dans les récits de voyages, les œuvres de fiction, les documents diplomatiques et les traités. Il est employé à la fois comme adjectif et substantif. Comme adjectif, il figure dans l’expression «côtes barbaresques», qui sert à qualifier le littoral méditerranéen bordant le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, mais aussi la partie du littoral atlantique où se situe le port de Salé. C’est l’époque où l’Espagne et le Portugal sont animés par le désir de porter une nouvelle Croisade sur la rive sud de la Méditerranée. Poussés tout autant par des motivations d’ordre politique qu’économique, ils occupent plusieurs ports de la région. En face, les musulmans mènent la contre-offensive, qui se traduit par la «course», considérée comme un jihad sur mer. Ce qui les anime, eux aussi, ce sont des impératifs religieux, auxquels s’ajoutent des intérêts économiques et diplomatiques. L’usage de la formule «côtes barbaresques», avec la variante «Etats barbaresques», se maintient durant la Régence d’Alger, sous l’Empire ottoman. Il disparaît vers le milieu du XIXe siècle. Comme substantif («Barbaresques»), il est utilisé péjorativement pour désigner à la fois les corsaires, les marins et les populations de l’aire géographique en question.
Par Ruth Grosrichard
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