Avec la disparition de Mahdi Elmandjra le 13 juin dernier, c’est la scène intellectuelle marocaine et arabe qui se retrouve désormais orpheline. Elmandjra bousculait les a priori, dérangeait et allait parfois là où peu osaient s’aventurer.
« Il puait l’intelligence comme d’autres puent des aisselles ». Ainsi parlait Sartre d’un de ses amis. Mahdi Elmandjra débordait d’intelligence et de vivacité. C’était cette image, doublée d’un homme jovial et affable, que j’ai gardée de lui un printemps de 1979 dans une conférence à Rabat où il présenta les conclusions du Club de Rome, sous forme de livre, intitulé On ne finit pas d’apprendre. Le progrès n’est pas affaire de croissance, mais de développement. C’était un peu les grandes idées qui s’étaient imprimées dans l’esprit de l’adolescent que j’étais. Il parlait de « prospectives », un terme qui nous déconcertait. J’étais sous le charme du magister qui, comme une voyante, lisait l’avenir. On devrait apprendre par la suite cette vérité déclinée par Marx : l’histoire a plus d’imagination que nous. Ce grand fonctionnaire international, qui avait dirigé le cabinet du premier directeur général de l’UNESCO, René Maheu, faisait sienne sa maxime : le développement, c’est quand la science devient culture. Elmandjra, fort de sa formation, de sa culture, de son expérience, et puis de son affect, se voyait dans la botte du premier directeur général. N’était-il pas de ce Tiers-monde, qui, selon la vieille expression du Père Sieyès, « n’est rien, mais veut être quelque chose » ? N’est-il pas le digne représentant de ce monde arabe, dépositaire d’une grande civilisation, mais, du fait la mise sous tutelle de la raison et du despotisme, a été acculé à l’hibernation ? N’est-ce pas ce monde qui a donné à l’humanité l’Algèbre, l’algorithme, un modèle de coexistence et de tolérance, Al Andalus, un mode de vie où la rationalité coexiste avec la spiritualité ? Mais c’était sans connaître les calculs froids du jeu diplomatique et ses considérants sordides qui n’ont cure du mérite individuel. activistes finiront par avoir leur «officine» pour reprendre l’expression de Hassan II, lancée sur un air agacé.
Par Hassan Aourid
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