Si proche, si loin. Hormis en période de guerre ouverte, jamais les relations entre le Maroc et l’Algérie n’avaient atteint une telle hostilité. Comment en est-on arrivés là ? Pourquoi la nature du régime nous est-elle aussi obscure et imprévisible ? Pour tenter d’y voir plus clair, Zamane a sollicité l’expertise d’un bon connaisseur des arcanes du pouvoir à Alger. Abdeladim Tber, diplomate accompli aujourd’hui à la retraite, À été le second de l’ambassade marocaine en Algérie entre 1988 et 1993. Il nous raconte cette période douloureuse vécue par nos voisins et nous livre son analyse quant à la situation actuelle. Pour lui, les lueurs d’espoir s’amenuisent avec le temps…
Dans quelles circonstances avez-vous atterri en Algérie ?
Je suis arrivé à Alger en août 1988 en provenance de France où j’étais consul général. Suite à la rencontre entre Hassan II et Chadli Bendjedid, les deux pays ont entamé une période de réchauffement rarement vue dans l’histoire bilatérale. Les relations étaient rompues depuis 1976 et la crétion de la « RASD » par l’Algérie. Le roi avait donc besoin d’une personne de confiance pour occuper le poste d’ambassadeur à Alger. Un poste qui a été confié à son médecin personnel, le docteur Abdellatif Berbiche, un proche du monarque. Mais, n’étant pas un diplomate de métier, il devait être secondé et c’est ainsi que j’ai été nommé ministre conseiller, l’équivalent d’un chargé d’affaires dans le langage diplomatique. L’installation dans la ville d’Alger a été très difficile. À cause d’une crise immobilière, je n’ai pas trouvé de logements et j’ai dû vivre, plusieurs semaines, ma famille et moi, dans un hôtel. Dans la capitale, et ailleurs dans le pays, régnait une tension manifeste. Une pénurie globale sévissait et le régime algérien traversait une grave crise de confiance. Nous sentions que la marmite était prête à exploser. C’est ce qui s’est effectivement passé le 5 octobre de la même année. Si je tiens tant à vous rappeler les circonstances de mon arrivée en Algérie, c’est également pour faire un parallèle avec la situation que ce pays vit actuellement. Encore une fois, le pouvoir algérien est en train de conduire son pays au bord du précipice.
Sentiez-vous que l’armée perdait le contrôle du pays ?
Bien entendu. L’essor du FIS (Front Islamique du Salut) et ses victoires éléctorales venait ajouter à la crise socio-économique une dimension politique. Le régime militaire s’est tellement senti sur la sellette qu’il est allé jusqu’à sacrifier le président Bendjedid. Aujourd’hui, si les hommes ne sont plus les mêmes, les ingrédients d’une implosion sont parfaitement comparables. Le soulèvement d’octobre 1988 devait être mené aujourd’hui par le mouvement du Hirak. On peut dire que l’avènement de la pandémie lui a octroyé un sursis inespéré. Mais le plus dur est encore à venir.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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