On ne présente plus Abdellah Hammoudi, auteur du livre référence « Maîtres et Disciples » (Maisonneuve & Larose, 2001). En exclusivité pour « Zamane », le grand intellectuel marocain évoque son parcours, ses influences, ses voyages. Et livre son opinion sur des questions aussi brûlantes que la dichotomie islamistes/modernistes, le « printemps arabe », le Mouvement du 20 février, etc.
Quels sont les événements et les personnes qui ont marqué votre période de formation ?
À la Faculté des Lettres de Rabat, j’ai fait une licence de philosophie et, simultanément, une licence de sociologie à l’Institut de Sociologie. Nous étions peu nombreux, les professeurs nous connaissaient bien, et certains nous faisaient travailler sérieusement. Malgré tout, j’ai préparé tout seul, les étés et pendant les autres vacances, la moitié de ma licence de philo dans la riche bibliothèque du monastère bénédictin de Tioumliline, près d’Azrou. L’un des moines avait préparé l’agrégation de philo et subi ses épreuves bien avant de décider d’entrer dans l’ordre. J’ai profité de ses vastes connaissances philosophiques… En sociologie, Joseph Gabel et Paul Pascon étaient décisifs pour moi. Le premier en matière de théorie, le second dans l’étude des réalités marocaines et l’apprentissage du travail de terrain. Les professeurs français de passage, tels Barthes, Balandier ou Touraine étaient de grands initiateurs à l’esprit d’analyse. Le cours de traduction de Mohamed Kably permettait de perfectionner et l’arabe et le français. Plus tard, je fréquentais Germain Ayache et apprenais de lui les rudiments de la méthode historique.
Avez-vous été marqué par des événements en particulier ?
L’enlèvement de Ben Barka ; la dissolution du Parlement ; les procès contre les militants des partis de la gauche nationaliste et socialiste accusés de complots ; et le soulèvement de Casablanca et sa répression en mars 1965. Un peu plus tard, l’attaque sanglante de la cité universitaire par les forces de l’ordre, et un raid qui interrompit une conférence du soir. Beaucoup d’étudiants échappèrent par toutes les issues possibles, un certain nombre parmi eux furent arrêtés et envoyés la nuit même vers des destinations inconnues. Nous apprîmes par la suite que certains avaient été mis dans une caserne d’El Hajeb, d’autres, enfermés dans un camp près de Tarfaya. Voilà quelques événements en vrac. L’homme fort du moment auprès du souverain était le général Oufkir. Le déclenchement de la guerre au Vietnam fut aussi un événement frappant pour moi
Propos recueillis par Mohamed El Mansour et Maâti Monjib
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