Depuis un certain temps, Agadir est le centre d’un intérêt artistique particulier. Souvenons-nous de la polémique, en septembre 2020, autour du logo de la ville conçu par feu Mohammed Melehi. On raconta alors que l’artiste chevronné avait plagié le travail d’un débutant syrien, qui aurait produit le même logo pour Le Caire. Nous avons l’habitude de ce genre de discours auto-flagellateur qui tient à trouver l’origine de chaque création marocaine chez un étranger ; c’est la caractéristique du dominé. Mais le débat était une fumée annonciatrice. Qu’est-ce qui a fait que des organisations politiques de gauche comme de droite, de progressistes comme de conservateurs, se sont mises subitement à s’intéresser à l’esthétique ? On souleva des débats politiques houleux à cause d’un logo. Même ceux qui n’avaient jamais entendu le mot sont devenus spécialistes en communication visuelle.
Mais depuis que nous avons su que des responsables de la chose artistique font sans cesse des allers-retours vers la capitale du Souss, les uns pour voir l’éventualité de création de musées, les autres pour voir la possibilité de créer des institution de formations artistiques, ou pour d’éventuelles affaires commerciales, il est devenu légitime de croire que la cavale contre le logo de feu Melehi n’était pas une simple curiosité artistique. Ce dont on est sûr aujourd’hui, c’est que la ville d’Agadir est susceptible de devenir un centre artistique du Grand Sud ; c’est du moins ce que révèlent les intentions couchées sur les papiers. On parle de plusieurs musées (De quoi ? On ne sait pas encore, faudrait-il aller poser la question à la Fondation des Musées ?). On parle aussi d’institution de formation artistique (École des beaux-Arts, comment ? De quelle manière ? Seules les autorités de la ville et peut-être le Ministère de la culture le savent…).
On entend vaguement murmurer ici et là que ce sont des directives royales. C’est du sérieux donc. On comprend pourquoi chacun cherche à se positionner et montrer son dévouement pour la ville. Mais si la bousculade politique n’est qu’une vitrine, qu’est-ce qui fait qu’Agadir retienne subitement l’intérêt ? Depuis quand les projets artistiques intéressent-ils les femmes et les hommes politiques ? Qu’est-ce qui se prépare au niveau économique et financier dans cette région de notre pays ? Ce ne sont certainement pas les quelques galeries, musées, ou même écoles d’art qui vont faire baver ceux qui se cachent derrière les politiques et les poussent à ce combat acharné autour d’un logo.
Cette ruée serait-elle vers l’or et non pas uniquement l’art? Si cela se réalise ce serait une première dans notre histoire : commencer par l’art et sa promotion avant la promotion immobilière et industrielle. Pourvu que ce démarrage évite à la ville d’Agadir les massacres urbains et architecturaux de Tanger, Casablanca ou Fès. Si ce n’est déjà trop tard.
Par Moulim El Aroussi