Il est considéré comme l’enfant terrible de la littérature maghrébine. L’appellation aurait de quoi faire sursauter Driss Chraïbi, l’iconoclaste qui refusait d’être classé. Lui, qui s’est toujours demandé “aurons-nous un autre avenir que notre passé ?”, est en tout cas plus que jamais d’actualité. Voici un récit de sa vie.
Driss Chraïbi a passé sa vie à être en avance. Et à briser des tabous. En 1954, l’écrivain publie «Le Passé simple», un roman enragé, écrit en français, où la société marocaine, qu’il juge sclérosée, en prend pour son grade. En particulier la figure du père, en filigrane le sien (surnommé Le Seigneur) et l’hypocrisie sociale autour de l’islam traditionnel. La colonisation y est furieusement condamnée, ce qui n’empêche pas Chraïbi de s’interroger sur la «colonisabilité». Un concept théorisé par le penseur algérien Malek Bennabi, dans «Vocation de l’islam» (1954), qui a bien sûr hérissé le poil des militants nationalistes de tout bord, même si en réalité il s’agit d’une réflexion «décoloniale», et d’un appel à la libération des peuples. Mais l’heure n’est pas à l’introspection, elle est à la lutte pour l’indépendance. Conséquence, le brûlot de Driss Chraïbi fait scandale. Et suscite l’ire de deux ennemis pourtant irréconciliables: la droite colonialiste d’abord, puis les nationalistes. Une sacrée prouesse.
Par Nina Kozlowski
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Ligne rédactionnelle très engagée dans le sens de l’humain et l’universel.