Avec 107 sièges à la Chambre des représentants, le PJD bouleverse l’échiquier politique, moins de quinze ans après son entrée en jeu. Retour sur son irrésistible ascension.
Le PJD est donc la première formation politique à s’essayer à la nouvelle formule constitutionnelle. Sa large victoire aux élections législatives du 25 novembre couronne le parcours d’un parti pas vraiment comme les autres. En soi, les élections législatives sont historiques, puisqu’elles inaugurent une nouvelle ère politique, où les prérogatives du chef de gouvernement sont censées être élargies. Abdelilah Benkirane, nommé chef de gouvernement par le roi, dégainera une arme à double tranchant puisque, de pair avec ses nouvelles responsabilités, il sera soumis impitoyablement à la reddition des comptes. Jamais un gouvernement ne sera autant scruté que la future coalition orchestrée par le PJD. Cet élément est d’ailleurs le seul motif de satisfaction offert aux adversaires dépités mais résignés du parti islamiste. L’avènement du PJD inaugure également une nouvelle donne de l’échiquier politique, ou plutôt enterre définitivement la formule que connaît le Maroc depuis son indépendance. Jusque dans les années 1990, le système politique est clairement bipolaire. D’un côté, le courant national démocrate incarné par les partis historiques de l’Istiqlal et de l’USFP, et de l’autre, une mouvance monarchique conservatrice pilotée par le Palais. Les forces islamistes évitent soigneusement de s’immiscer dans le jeu politique et investissent le champ social, laissé complètement à l’abandon. Une stratégie viable puisque la légitimité populaire, c’est-à-dire à travers des élections transparentes, n’est clairement pas la carte à jouer dans un pays où le principe de la démocratie est rabâché mais pas appliqué. Avec l’ouverture politique de la fin des années 1990, qui correspond à la fin de règne de Hassan II, les mouvements islamistes se retrouvent face à la possibilité d’amorcer une mutation stratégique qui pourrait briser la bipolarité traditionnelle. Une frange (celle qui devient le PJD) décide de se lancer dans le grand bain et participe aux élections législatives de 1997. L’autre, fidèle à la non-reconnaissance de la Commanderie des croyants, est incarnée par Al Adl Wal Ihsane, la Jamaâ de Cheikh Yassine. Son refus de jouer le jeu politique incite à croire que le seul rapport de force imposable à terme est celui de la contestation par la rue. Ce statu quo sera maintenu jusqu’à aujourd’hui. La différence entre les deux formations est plus tactique qu’idéologique. Le PJD, lui, se fait les dents sur le terrain électoral.
En 1997, il obtient l’élection de 14 parlementaires sur les 325 que compte la Chambre des représentants. Cinq années plus tard, le parti fait une percée et atteint 42 élus, alors même que toutes les circonscriptions ne lui été pas ouvertes. En 2007, le PJD arrive en tête au nombre de voix (10,9%) mais se voit dépassé par l’Istiqlal en termes de sièges. Le résultat historique de 2011 (107 sièges, du jamais vu dans l’histoire électorale du Maroc) est l’aboutissement logique d’une stratégie qui coïncide avec celle des partis islamistes au Maghreb. Le vent de l’Histoire a tourné, historiens à vos plumes.
Par Sami Lakmahri