Pourquoi les Mille et une nuits sont-elles devenues une œuvre majeure ? Les récits du personnage légendaire de Schéhérazade ont-ils des sens cachés ? Comment et pourquoi ce sujet a tant fasciné les orientalistes et les sociologues contemporains ? Le docteur Farid Merini, psychiatre et psychanalyste, s’est longuement interrogé sur cette œuvre mystique. Proche de la regrettée Fatema Mernissi, il décortique pour Zamane les ressorts contemporains d’un ouvrage presque millénaire…
Vous insistez dans vos travaux sur la rencontre entre Shéhérazade et Chahraiar, que vous qualifiez de récit cadre des mille et une nuits. Pourquoi ?
Le récit cadre est l’histoire de Shéhérazade et de Chahraiar. C’est par cette histoire que commencent les mille et une nuits où Chahraiar perpétue ses crimes sur les jeunes filles depuis trois années, en raison de l’infidélité de sa femme. C’est dans cette tragédie apparentée à la psychose qu’arrive Schéhérazade en compagnie de sa petite sœur Douniazade, et raconte des histoires au roi pendant le «samar», une tradition qui renvoie à l’échange nocturne. Il est considéré comme le récit cadre car il correspond à une stratégie élaborée par Schéhérazade. D’abord les histoires doivent être davantage merveilleuses (Ajiba), plus belles et plus étranges (Ghariba) que celles qui précèdent.
À votre avis, jusqu’à quel point l’œuvre originale a-t-elle été modifiée ? Peut-on attribuer légitimement sa dernière version la plus reconnue au monde arabe du Moyen Âge ?
Les versions des mille et nuits sont nombreuses et se sont multipliées au fil du temps. Par conséquent, les modifications sont nombreuses. L’aventure a commencé en Perse par le récit cadre et quelques histoires. Baghdad en a pris le relais en traduisant et en enrichissant le corpus par des contes qui mettent en scène de grandes figures, comme celle du calife Haroun Rashid.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°121