Mohamed Karim Lamrani : Le fidèle
La disparition de Mohamed Karim Lamrani à 99 ans est une page importante de l’Histoire qui se tourne. L’ancien Premier ministre (1971-1972, 1983-1986, 1992-1994) était le dernier proche collaborateur de Hassan II encore vivant. Sa mort survenue le 20 septembre a rassemblé la nouvelle génération de la classe politique, consciente de rendre hommage au dernier mastodonte du XXème siècle. Si la carrière de Mohamed Karim Lamrani devait se résumer en un mot, ce serait la fidélité. Celle offerte à son pays bien sur, mais surtout à son roi. Dans les circonstances les plus dures, Hassan II n’a jamais hésité à faire appel à lui. La première fois, le lendemain du putsch de Skhirat en aout 1971, puis ensuite au milieu des années 1980, où le roi a sollicité autant le politicien consensuel que l’économiste, chargé à cette occasion de gérer la mise en place du PAS (Plan d’Ajustement Structurel). Enfin, son dernier baroud intervient en 1992 dans un pays en pleine transition démocratique. Depuis, en bon serviteur de l’Etat et de la monarchie, Lamrani est resté muet… jusqu’à sa tombe.
Hamid Zahir : L’élu de Marrakech
Hamid Ben Taher, connu sous son nom de scène Hamid Zahir, n’aura pas bouclé l’année 2018 de son vivant. Disparu le 10 décembre dernier à la suite d’une hémorragie cérébrale, le chanteur et parolier laisse un grand vide dans la scène artistique nationale. La carrière de Hamid Zahir est teintée de l’identité de sa ville natale, Marrakech. C’est là d’ailleurs qu’il rend son dernier souffle. L’auteur de «Ach Dak Temchi L’zine», «Lalla Fatéma» ou encore «Ana Andi Miâad», fait partie de ceux qui ont fait rayonner la culture marrakchie au Maroc et même au-delà. Inspiré par les rythmes de la dakka marrakchia et par le répertoire Gnaoua, Hamid Zahir s’est trouvé un style bien singulier qui lui permit de se distinguer dès le milieu des années 1960. Depuis, et jusqu’au bout, l’artiste a su conquérir, par ses talents de scène, sa maitrise du luth et sa musique festive, le cœur et les oreilles des Marocains.
Henri Michel, Mustapha Madih… Adieu coachs
Nul doute que l’année écoulée était faste pour le football marocain. Participation à la coupe du monde, titre continental pour le Wydad de Casablanca puis pour son rival le Raja. Mais le football national a également payé un lourd tribut à l’année 2018. Une hécatombe parmi les grands acteurs de son histoire est venue l’endeuiller comme rarement. C’est d’abord Henri Michel, mort le 24 avril dernier à 70 ans, qui a inauguré ce funeste bal. Figure du football français, son passage au Maroc n’est pas passé inaperçu. Sélectionneur national entre 1995 et 2000, Michel a failli créer l’exploit d’une qualification au deuxième tour du Mondial 1998. Moins d’un mois plus tard, le 19 mai, c’est au tour de Mohamed Jarir, alias Houmane, de dire adieu à 74 ans. Footballeur talentueux et atypique, il restera à jamais le premier Marocain à inscrire un but en Coupe du monde (1970). Mustapha Madih le rejoint dans l’au-delà le 4 novembre dernier, à seulement 62 ans. Le technicien a entraîné avec succès les équipes des FAR, Khouribga et tant d’autres, ainsi que les catégories de jeunes de la sélection. Enfin à regretter également la disparition précoce du joueur de Berkane, Lahcen Akhmiss, le 5 juin dernier, mort à 30 ans d’un accident de la route.
Aziz El Ouadie : De plume et de sang
Sa vie est un roman qu’il a su graver avec talent sur papier. Militant, écrivain et journaliste, Aziz El Ouadie porte en lui toutes les valeurs de courage et de combativité nécessaires pour faire face à l’injustice. Il a finalement rendu les armes et la plume le 3 septembre dernier à 62 ans seulement. Né dans une famille d’activistes en 1956, Aziz El Ouadie subit sa première expérience carcérale alors qu’il n’est pas encore majeur, en 1974. Libéré 10 années plus tard, il fonde en compagnie de ses camarades la section marocaine d’Amnesty International. Soucieux du sort des prisonniers, il crée également l’Observatoire marocain des prisons. Prolifique en littérature, il lègue de nombreux ouvrages à la fois drôles et dramatiques, prenant ainsi le contre-pied de la littérature carcérale classique. Toute sa vie durant, en tant que journaliste, écrivain ou militant, Aziz El Ouadie n’a cessé de défendre la liberté, les droits de l’homme et le progrès social.
Rachid Taha : Une voix et une «gueule»
Il n’est certes pas Marocain, mais sa mort prématurée le 12 septembre dernier a ému tous le pays. Algérien de naissance, c’est pourtant en France que Rachid Taha s’est distingué. Figure de proue de l’ébullition artistique des «années beurs» (1980’s), le raïman le plus rock‘n’roll de l’histoire est un artiste unique en son genre. Outre une voix profonde qui résonne particulièrement sur son succès ‘Ya rayah’, Rachid Taha est aussi une « gueule ». À travers ses paroles et ses interviews, le chanteur n’hésitent pas à dire ses vérités en ignorant le politiquement correct. Ses aventures marocaines l’intègrent naturellement dans le milieu « underground » du royaume et accroit sa popularité dans le pays. Seule sa mort à l’âge de 60 ans le prive de croquer d’avantage une vie déjà bien remplie. Le chanteur qui mélange les styles a fini par créer une image, qui demeurera longtemps iconique.