Ses affinités palestiniennes l’ont amené à Larache, un petit port atlantique où Genet s’est échappé à lui-même et à tout ce qu’il abhorrait. Si les gens du coin n’ont pas lu ses œuvres, ils célèbrent son âme, encore aujourd’hui. Ou comment Genet est devenu un saint marocain, plutôt qu’une figure littéraire française…
À Larache, le petit cimetière espagnol -accessoirement le plus beau du monde parce qu’il surplombe l’Océan Atlantique- est introuvable. Sauf si vous demandez à voir la tombe de Sidi Gini, Jean Genet donc. L’écrivain français est bien plus considéré au Maroc qu’en France. Pas tant pour ses écrits que pour son sacro-saint combat aux côtés des opprimés et des Palestiniens. À Larache, le culte et la légende de Genet ont été fabriqués par les gens de la rue. Au point d’être érigé au rang de saint : le «saint des pauvres». C’est en ces termes qu’Abdellah Taïa, écrivain, a entendu parler de lui pour la première fois. Un jour sa mère, analphabète, lui a conseillé d’aller chercher la «baraka» auprès de Sidi Gini. Sa sépulture, la seule du cimetière à être orientée vers La Mecque, fait l’objet d’un pèlerinage. Tous les ans, autour du 15 avril, date de décès de Jean Genet, des centaines de personnes –Marocains, Européens ou Arabes, pratiquants, croyants, mystiques ou athées convaincus- viennent se recueillir sur sa tombe. Certains prient, d’autres boivent de la vodka ou déposent des cigarettes Gitanes. Genet est à la fois œcuménique et universel ; il provoque le mélange des genres.
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