L’histoire de la Mauritanie indépendante est celle d’une stratégie compliquée. Entre Maghreb et Afrique occidentale francophone, entre Algérie et Maroc, c’est aussi l’histoire d’une relation particulière au royaume chérifien.
Le Groupe de Casablanca a fait long feu. A sa naissance, il soutient la cause «mauritanienne» du Maroc. L’Union soviétique voit dans sa création une opportunité pour s’implanter en Afrique… Mais l’accession au pouvoir de Hassan II, ennemi juré des socialistes, la reconnaissance de la République Islamique de Mauritanie (RIM) aux Nations Unies fin 1961 et l’indépendance de l’Algérie vont finalement distendre les liens entre ses membres. En 1962, les accords d’Evian confèrent Tindouf, Béchar, la Saoura et le Touat à Alger. Le FLN ne «souhaite pas» les restituer au Maroc, alors que ces régions sont revendiquées par l’Istiqlal. Conséquence, la Conférence de Marrakech est annulée. Hassan II rechigne à s’appuyer sur l’Union soviétique et se réfugie dans la confortable amitié pro-occidentale. Puis vient la Guerre des sables, en 1963, un échec diplomatique pour Rabat.
Unis autour du Sahara
En 1969, avec la Conférence panislamique de Rabat, puis le cinquième sommet de la Ligue arabe, Hassan II reconnaît enfin son voisin méridional. Les deux nations établissent des relations diplomatiques l’année suivante, alors que le Maroc renoue des relations «cordiales» avec l’Algérie au sein du concert des nations arabes (et non plus africaines). En 1972, la Mauritanie consacre son intégration au monde arabe et son rejet du monde africain en abandonnant le franc CFA, la devise de l’Afrique de l’Ouest francophone. Elle devient membre de la Ligue arabe. En parallèle, la politique d’arabisation, lancée dès 1966, s’accélère.
Le retournement mauritanien est directement lié à la question du Rio de Oro. On sait déjà en coulisse que le vieillissant régime franquiste ne va pas tarder à rendre l’âme… et ses colonies avec. Le «Sahara atlantique» esthassani de dialecte, malékite et maraboutique de coutumes, nomade comme 80 % des Mauritaniens «maures» de l’époque. Mokhtar Ould Daddah, inamovible président et fondateur de la nouvelle capitale Nouakchott, résume cette symbiose ethnique en ces termes : «Nous sommes tous des Sahraouis !». Les habitants du Rio de Oro ne sont donc rien d’autre que des Mauritaniens.
Par Simon Pierre
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