Définition, composition et évolution des grandes familles marocaines, dont l’histoire est jusqu’à présent plus connue sous le prisme politique que social.
Contrairement aux apparences, notre connaissance de l’histoire de la famille marocaine est encore très approximative. Vu que les historiens se sont d’abord intéressés à l’histoire politique et à l’histoire sociale du politique, le pouvoir visible ou occulte d’une constellation de grandes familles apparaît comme une tendance lourde de l’histoire marocaine. Ceci dit, pour mieux comprendre le phénomène, il faudrait restituer sa complexité et le situer dans différents processus socio-historiques. Le XIXe siècle est un lieu d’observation particulièrement révélateur, car il permet en même temps de saisir des continuités et de repérer des mutations décisives qui, du fait de la pénétration économique européenne, ont marqué la société marocaine au-delà de cette époque : ces mutations auront un impact sur la période du protectorat et même sur le temps postcolonial.
Portraits de (grandes) familles
Dans les campagnes, une grande famille est celle qui détient le commandement, fondé sur la supériorité militaire. On a même parfois avancé que l’émergence d’un nom de confédération de tribus est souvent synonyme de l’émergence d’un clan particulièrement fort, dominé à son tour par une grande famille. C’est ainsi qu’au XIe siècle, avec la geste des nomades Sanhaja, on relève la prééminence des Guddâla, Nafûssa et Lamtûna. Ce sont ces derniers qui ont pris le pouvoir sultanien, et plus particulièrement le clan des Banû Turghut, auquel appartient Youssef Ibn Tachfine. Plus tard, au XIXe siècle, l’apparition des tribus Zemmour est liée à la puissance de la famille Belghazi, qui a prêté main forte au souverain Souleïman dans un contexte conflictuel particulièrement délicat. Les Zemmour eux-mêmes font partie de la confédération Aït Idrassen, qui sera longtemps une précieuse alliée de la dynastie alaouite et que l’historien du XIXe siècle Abdou Al Qâsim Zayâni qualifie de «Berbères du Makhzen». Dans le milieu urbain, nettement minoritaire au niveau démographique, certaines familles occupent des positions dominantes comme les fuqahâ (experts en fiqh) et contrôlent des secteurs stratégiques comme la judicature ou la gestion des habous.
Par Abdelahad Sebti
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