Grand journaliste, et grand monsieur, Jean Lacouture vient de s’éteindre le 16 juillet dernier à l’âge de 94 ans. Nous reste des articles et des livres avec, en filigrane, une analyse très fine du Maroc.
Jean Lacouture avait un destin marocain. Dans les années 1940, il rencontra à Rabat Simonne Miollan, celle qui allait devenir sa compagne pour la vie, son « voilier », comme il aimait la désigner. Il avait un dessein pour le Maroc qu’il consigna avec son épouse dans un livre au titre révélateur : Le Maroc à l’épreuve. L’ouvrage figurera dans la collection « L’Histoire immédiate », qu’il lança, en 1961, au Seuil. En couverture, on voit le roi Mohammed V comme on ne l’a jamais vu, habillé en polo et porté sur les épaules par des fellahs, au lendemain de l’Indépendance. Le livre aurait pu être titré autrement : Le Maroc en marche, à l’image d’un autre ouvrage qu’il avait écrit sur l’Égypte de Nasser. Mais Jean Lacouture resta circonspect sur le cas marocain, conscient des structures de blocage et des défis. Avec Autocritique, de Allal El Fassi, le livre est un des meilleurs exercices pour prendre le pouls du Maroc. Pour ceux qui savent élaguer l’événementiel et déceler le structurel, l’analyse est d’une pertinence poignante. Lacouture y scrute les structures et les institutions, brosse les portraits d’hommes qui habitent toujours le Maroc parce qu’ils l’ont fait : Lyautey, Mohammed V, Moulay Hassan (futur Hassan II) Allal El Fassi, Ben Barka, Bouabid… D’autres se trouvent dans le récit, par ricochet, parce qu’ils étaient dans les plis des événements, les vicissitudes de l’histoire et le hasard des circonstances : Mhammedi, Aherdane, Khatib, Ben Seddik, Yata, etc.
Par Hassan Aourid
La suite de l’article est dans Zamane N°57-58